• Ici-bas j’ai voulu vivre mon idéal,
    Ne doutant point de moi, ne doutant de personne,
    Et croyant fermement au joli mot qui sonne,
    Et mon réveil ne fut que d’autant plus brutal.

    Passion d’idéal ! Cruelle erreur de l’âme,
    Vague parfum de fleur, stupide enchantement !
    Vaines illusions, mirage décevant
    D’un banal mot d’amour, d’un sourire de femme.

    ...
  •  

    L’air est humide, épais et gras ;

    Taches de deuil, des oiseaux planent
    Auprès des sacs bondés qui s’alignent là-bas ;
    De terre en terre, ici, plus loin, par tas,
    À feux larges, brûlent les fanes.

    Mélancoliques et longues et lentes,
    Frôlant le sol, barrant les sentes,
    Tels des gestes qui s’en iraient
    ...

  • L’air se durcit, le gel va ressaisir la nuit.
    Les roses du pignon tremblent au vent qui passe,
    Une dernière abeille entre dans les fleurs lasses,
    Et tout à coup s’angoisse et brusquement s’enfuit.

    Les mille bruits du soir montent des vieux villages,
    Plus nets et plus vrillants qu’aux jours secs de l’été ;
    Une tenace, vieille et morne hostilité
    Semble...

  • Oui — me dit monsieur Bertillon,
    Prince de l’anthropométrie,
    En fixant sur ma seigneurie
    Ses petits yeux d’émerillon —

    L’invention est assez drôle
    De ces empreintes de baiser.
    J’ai même cru l’utiliser
    Pendant un temps — pour mon contrôle.

    Je me disais : c’est à creuser…
    — Encore que soit chimérique
    Tout ce qui nous vient d’Amérique...

  • Ô Carême ! du haut du Ciel,
    Ta demeure dernière,
    Brillat-Savarin ! toi, Vatel !
    Et vous aussi, mon colonel,
    Grimod de la Reynière ;

    Vous tous, fins gourmets, nos aïeux,
    ...

  •  
    Allez-vous-en, allez-vous-en,
    L’auberge entière est aux passants.

    — Elle est à nous, elle est à nous,
    Depuis bientôt trois cents années.
    Elle est à nous, elle est à nous,
    Depuis la porte aux longs verrous,
    ...

  • Étant à la table d’hôte
    D’un hôtel très fréquenté
    Sur je ne sais quelle côte
    Où l’on se baigne l’été,

    Ma surprise fut extrême
    Quand, tout de suite, je vis
    Que beaucoup mieux que moi même
    Mes voisins étaient servis.
     
    Un sinistre majordome
    Leur passait les fins morceaux,
    Tandis que ce diable d’homme
    Me refilait tous les os...

  •  

    L’azur est scintillant

    De grands nuages blancs
    Qui vont, viennent et passent ;
    Comme des balles dans l’espace
    Le tablier mouvant des blés
    Projette

    Jusques au ciel les alouettes.

    Elles fusent et jaillissent si haut

    Vers la lumière et ses...

  • Vous craignez le Désir, ô compagnons d’Ulysse.
    Aveugles et muets, l’âme close au péril
    De la voix qui ruisselle et du rire subtil,
    Vous rêvez des foyers qui recueillent l’exil
    Aux pieds lassés. Moi seul, ô compagnons d’Ulysse,
    Moi seul ai dédaigné la fraude et l’artifice,
    Moi seul ose l’Amour et le divin Péril.

    Dénouant leurs cheveux fluides, les...

  • Les toits semblent perdus
    Et les clochers et les pignons fondus,
    Par ces matins fuligineux et rouges,
    Où, feux à feux, des signaux bougent.

    Une courbe de viaduc énorme
    Longe les quais mornes et uniformes ;
    Un train s’ébranle immense et las.

    Au loin, derrière un mur, là-bas,
    Un steamer rauque avec un bruit de corne.

    ...