• V

    On croyait dans ces temps où le pâtre nocturne,
    Loin dans l’air, au-dessus de son front taciturne,
    Voyait parfois, témoin par l’ombre recouvert,
    Dans un noir tourbillon de tonnerre et de pluie,
    Passer rapidement la figure éblouie
    ...

  • Déjà la vie ardente incline vers le soir,
    Respire ta jeunesse,
    Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,
    De l'aube au jour qui baisse.

    Garde ton âme ouverte aux parfums d'alentour,
    Aux mouvements de l'onde,
    Aime l'effort, l'espoir, l'orgueil, aime l'amour,
    C'est la chose profonde ;

    Combien s'en sont allés de tous les coeurs...

  • Vous à qui des fraisches vallees
    Pour moy si durement gelees
    Ouvrent les fontaines de vers,
    Vous qui pouvez mettre en peinture
    Le grand object de l'Univers
    Et tous les traicts de la nature,

    Beaux esprits si chers à la gloire,
    Et sans qui l'oeil de la memoire
    Ne sçauroit rien trouver de beau,
    Escoutez la voix d'un Poëte
    Que les alarmes...

  • En ce temps-là vivaient le Roi Charmant,
    Serpentin-Vert et Florine ma mie,
    Et, dans sa tour, pour cent ans endormie,
    Dormait encor la Belle-au-Bois-Dormant.

    C'était le temps des palais de féerie,
    De l'Oiseau bleu, des Pantoufles de vair,
    Des vieux récits dans les longs soirs d'hiver :
    Moins sots que nous y croyaient, je vous prie.

  • Songez, Philis, songez au temps passé
    Ce beau garçon dont vous fûtes éprise
    Mit en vos mains son aimable franchise.
    Il était jeune, il n'avait point senti
    Ce que ressent un coeur assujetti,
    Et jeune encore vous ignoriez l'usage
    Des mouvements qu'excite un beau visage.
    Vous ignoriez la peine et le plaisir
    Qu'ont su donner l'amour et le désir...

  • Le compas d'Uranie a mesuré l'espace.
    Ô Temps, être inconnu que l'âme seule embrasse,
    Invisible torrent des siècles et des jours,
    Tandis que ton pouvoir m'entraîne dans la tombe,
    J'ose, avant que j'y tombe,
    M'arrêter un moment pour contempler ton cours.

    Qui me dévoilera l'instant qui t'a vu naître ?
    Quel oeil peut remonter aux sources de ton être...

  • Ballade

    Quand justiciers par équité
    Sans faveur procès jugeront,
    Quand en pure réalité
    Les avocats conseilleront,
    Quand procureurs ne mentiront,
    Et chacun sa foi tiendra,
    Quand pauvres gens ne plaideront,
    Alors le bon temps reviendra.

    Quand prêtres sans iniquité
    En l'Église Dieu serviront,
    Quand en spiritualité,
    ...

  • Où la Chimère s'exténue
    Vaut la torse et native nue
    Que, hors de ton miroir, tu tends !

    Les trous de drapeaux méditants
    S'exaltent dans une avenue :
    Moi, j'ai ta chevelure nue
    Pour enfouir des yeux contents.

    Non. La bouche ne sera sûre
    De rien goûter à sa morsure,
    S'il ne fait, ton princier amant,

    Dans la considérable touffe...

  • Pourquoi vous troublez-vous, enfants de l'Evangile ?
    À quoi sert dans les cieux ton tonnerre inutile,
    Disent-ils au Seigneur, quand ton Christ insulté,
    Comme au jour où sa mort fit trembler les collines,
    Un roseau dans les mains et le front ceint d'épines,
    Au siècle est présenté ?

    Ainsi qu'un astre éteint sur un horizon vide,
    La foi, de nos aïeux la...

  • Le temps, maître de tout, ternit ce paysage,
    Que Flore embellissait des marques de ses pas ;
    Et montrant des défauts, où l'on vit des appas,
    Il fait un triste lieu de ce plaisant bocage.

    Il réduit une ville en un désert sauvage,
    Il met comme il lui plaît les empires à bas ;
    Il change les esprits ainsi que les États,
    Et fait un furieux du peuple le...