• Muses, souvenez-vous du guerrier, — de l’ancien
    qui ne fut général ni polytechnicien,
    mais qui charma dix ans les mânes du grand Hômme ! —
    Cet invalide était la gaîté de son dôme.
    Mon cœur est plein du bruit de sa jambe de bois.
    Pauvre vieux ! j’ai rêvé de vous plus d’une fois,
    la nuit, quand passe au ciel, avec ses gros yeux vides,
    la lune au nez d’...

  • Par les chemins bordés de pueils
    Rôde en maraude
    Le donneur de mauvais conseils.

    La vieille carriole en bois vert-pomme
    Qui l’emmena, on ne sait d’où,
    Une folle la garde avec son homme,
    Aux carrefours des chemins mous.
    Le cheval paît l’herbe d’automne,
    Près d’une mare monotone,
    Dont l’eau malade réverbère
    Le soir...

  •  
    Douceur de mes chants, allons vers Mytilène,
    Voici que mon âme a repris son essor,
    Nocturne et craintive ainsi qu’une phalène     
        Aux prunelles d’or.

    Allons vers l’accueil des vierges adorées :
    Nos yeux connaîtront les larmes des retours :
    Nous verrons enfin s’...

  •  

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    Soir noir.
    Neige blanche.
    Il vente, il vente !
    On ne tient pas sur ses jambes.
    Il vente, il vente !
    Sur toute la terre de Dieu !

    Le vent moire
    La neige blanche.
    Sous la neige — la glace.
    Et l’on glisse ; Que c’est pénible !
    Tous les piétons
    Glissent — Ah ! les pauvrets.

    D’une maison à l’autre...

  • Du ciel poli comme un miroir
    Pleuvent les langueurs enflammées,
    Et nous suivons, au cœur du soir,
    L’irréel essor des fumées.

    J’adore tes gestes meurtris
    Et tes prunelles embrumées…
    Tu regrettes… Dans tes yeux gris
    Passent et...

  • J’ai vu s’éteindre en moi le brûlant désespoir…
    Ma bouche cessera de ravager ta bouche,
    Je ne connaîtrai plus les veilles sur la couche
    De la moite Insomnie et du Désir farouche,

    Car la Mer et la Mort me rappellent, ce soir…

    La nuit...

  • Eh quoi ! peut-être aussi c’était mon naturel :
    Je fus doux, étant dur, et rieur, étant sombre ;
    Je voulus faire un dieu de tout ce temporel,
    Et je traîne après moi des fantômes sans nombre.

    L’homme mortel succombe et le sort est vainqueur.
    Apollon, dieu cruel, ennemi de ta race,
    Si tu m’as fait saigner tout le sang de mon cœur,
    Ce que tu châtiais, c...

  • À Paul Smara

    Elles sont mortes les abeilles
    au cimetière des Lilas
    si vous voulez du chocolat
    Mettez deux sous dans l’appareil

    Il est mort notre Apollinaire
    et mort aussi Laurent Tailhade
    Cinq abeilles volent dans l’air
    et les...

  • Le joli mot que voilà :
    Boire ! Qu’en pensez-vous ? Boire !
    Moi je suis tout prêt à croire
    Qu’aucun ne vaut celui-là !

    Ivrognes, ô bons apôtres,
    Que je porte dans mon cœur,
    N’est-ce pas qu’à la rigueur
    On peut se passer des autres ?

    Boire ! Eh bien ! cela dit tout ;
    Que voulez-vous...

  • Le pan de mur est en face, pour conjurer le cercle de ton rêve.
         Mais l’image pousse son cri.
         La tête contre une oreille du fauteuil gras, tu éprouves tes dents avec ta langue : le goût des graisses et des sauces infecte tes gencives.
         Et tu songes aux nuées pures sur ton île, quand l’aube verte s’élucide au sein des eaux mystérieuses.
         C’est la sueur...