À chaque projet de voyage
Une blessure s’ouvre en moi.
— J’ai trop bien aimé des visages
Pendant des saisons ou des mois !
Semblant choisir une personne
— Aigu comme un chat Siamois
Mon désir fixe s’y cramponne
De ses yeux clairs, phosphorescents.
Et je te prends et je me donne
Et tout redevient innocent :
Deux fauves vivant...
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Novembre a mis, comme un suaire,
Sa longue robe de brouillards ;
Le soleil, dans nos cieux blafards,
Semble une lampe mortuaire.Les feuilles pendent en haillons
Au noir squelette de la vigne,
Et, là-bas, fument des sillons
Près de ces tombeaux qu’on aligne.Le semeur, en grand appareil,
Donne au champ la façon dernière ;
... -
Les Morts ne dorment pas couchés sous la poussière,
Leur cendre ne gît point dans les urnes d’airain,
Le cortège des Morts se déroule sur terre,
C’est la procession des calmes pèlerins.Les Morts viennent à nous quand le deuil nous accable,
Frôlant de leurs pieds nus les nuages altiers,
Ils sont dans la tempête et dans l’air ineffable,
Ils... -
Heureux qui vit sans se connaître
Indéfiniment établi
Dans la paix de son propre oubli,
À la surface de son être !Car les clairvoyants du destin
Vivent la mort lente et soufferte,
Sentant partout la tombe ouverte
Au bord de leur pas incertain.Ils ont usé la patience
Comme ils ont épuisé l’orgueil ;
Toute leur âme est un... -
Pris en remuements dans les glaces, dans l’accalmie des mers dorment
Les squelettes muets des navires morts.
Le vent à vol rapide qui toucha leurs voiles
Et, en effroi, s’est enfui ! bondit aux cieux —
Bondit ! et n’ose pas de son haleine battre la terre,
Pour n’avoir vu partout que la pâleur, le gel, et la mort !…
Comme des sarcophages, les glaces à... -
VIII
Ils gisent dans le champ terrible et solitaire.
Leur sang fait une mare affreuse sur la terre ;
Les vautours monstrueux fouillent leur ventre ouvert ;
Leurs corps farouches, froids, épars sur le pré vert,
Effroyables, tordus, noirs, ont toutes les formes
Que le tonnerre donne aux foudroyés énormes ;
Leur crâne est à... -
Vous ne reverrez plus les monts, les bois, la terre,
Beaux yeux de mes soldats qui n’aviez que vingt ans
Et qui êtes tombés, en ce dernier printemps,
Où plus que jamais douce apparut la lumière.On n’osait plus songer au réveil des champs d’or
Que l’aube revêtait de sa gloire irisée ;
La guerre occupait tout de sa sombre pensée
Quand au fond des... -
Berger du monde, clos les paupières funèbres
Des deux chiens d’Yama qui hantent les ténèbres.Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
Ouvre sa tombe heureuse et qu’il s’endorme en elle,
Ô Terre du repos, douce aux hommes pieux !
... -
ILE VER.
Le soir est triste et froid. La lune solitaire
Donne comme à regret ses rayons à la terre ;
Le vent de la forêt jette un cri déchirant ;
Le flot du Saint-Laurent semble une voix qui pleure,
Et la cloche d'airain fait vibrer d'heure en heure
Dans le ciel nuageux son glas retentissant.C'est le premier novembre. Au fond du...
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