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    D'un triste désespoir ma vie je bourrelle,
    Je la veux obscurcir d'une nuit éternelle,
    Puisque je suis si loin de mon heureux soleil,
    Car sans âme je vis, sans poumon je respire,
    Et absent de mon bien mon douloureux martyre
    Ensevelit mon coeur sous l'oublieux sommeil.

    Je vis, je ne vis pas, je meurs, je ne meurs pas,
    Il n'y a point de vie, il n...

  • Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle ?
          Et les tristes discours
    Que te met en l’esprit l’amitié paternelle
          L’augmenteront toujours ?

    Le malheur de ta fille au tombeau descendue
          Par un commun trépas,
    Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
          Ne se retrouve pas ?

    Je sais de quels appas son enfance était pleine ;...

  • D'autant que l'arrogance est pire que l'humblesse,
    Que les pompes et fards sont tousjours desplaisans,
    Que les riches habits d'artifice pesans
    Ne sont jamais si beaux que la pure simplesse:

    D'autant que l'innocente et peu caute jeunesse
    D'une vierge vaut mieux en la fleur de ses ans,
    Qu'une Dame espousée abondante en enfans:
    D'autant j'aime ma vierge...

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    De mon sang exhalé toute l'humeur périe
    Me laisse desséché, et l'esprit de mon cœur
    Éteint par trop d'ennui, me pousse en ma douleur
    Aux extrêmes effets de la mélancolie.

    Ha ! presque hors de moi forcenant de furie,
    Tué, brisé, rompu, accablé de malheur,
    J'ai souci, j'ai dépit, j'ai crainte, j'ai horreur,
    De vos yeux, de mon mal, de la mort,...

  • Desires-tu savoir à quoi je parangonne
    Le fuseau de tes ans ? Au savon blanchissant
    Soufflé par un tuyau de paille jaunissant,
    Dont un fol enfançon ses compagnons étonne ;

    En son lustre plus beau sa gloire l’abandonne,
    Au moindre choc de l’air, fragile, se froissant ;
    Ainsi devers le soir va la fleur ternissant,
    Qui, sur le point du jour vermeillement...

  • D'un profond pensement j'avois si fort troublee
    L'imagination, qui toute en vous estoit,
    Que mon ame à tous coups de mes lévres sortoit,
    Pour estre, en me laissant, à la vostre assemblee.

    J'ay cent fois la fuitive à l'hostel r'appellee,
    Qu'Amour me desbauchoit: ores elle escoutoit
    Et ores sans m'ouyr le frein elle emportoit,
    Comme un jeune Poulain...

  • Durant l’aspre saison des froidureus hyvers
    Il semble aus regardans que les arbres ternissent
    Et, toutefois, les troncs en terre se nourrissent
    D’où sortent au Printems tant de fleurons divers.

    C’est alors que les chams et que les prez sont vers,
    Mais au chaud de l'esté ils seichent et fanissent,
    Au contraire les reims des arbres reverdissent
    Et se...

  • En Daulphiné Ceres faisoit encor moisson,
    Estant a Millery Bacchus en sa boisson :
    Parquoy ie puis iuger, voyantz les vins si vertz,
    Que Venus sera froide encor ces deux hyuerz.

    En Dauphiné Cérès faisait encore moisson,
    Étant à Millery Bacchus en sa boisson :
    Par quoi je puis juger, voyant les vins si verts,
    Que Vénus sera froide encore ces deux...

  • Esprit celeste, & des Dieux transformé
    En corps mortel transmis en ce bas Monde,
    A Apollo peulx estre conformé
    Pour la vertu, dont es la source, & l’onde.
    Ton eloquence avecques ta faconde,
    Et hault sçavoir, auquel tu es appris,
    Demonstre assez le bien en toy compris :
    Car en doulceur ta plume tant fluante
    A merité d’emporter gloire,...

  • Est-il rien de plus vain qu’un songe mensonger,
    Un songe passager vagabond et muable ?
    La vie est toutefois au songe comparable
    Au songe vagabond muable et passager :
     
    Est-il rien de plus vain que l’ombrage leger,
    L’ombrage remuant, inconstant, et peu stable ?
    La vie est toutefois à l’ombrage semblable
    À l’ombrage tremblant sous l’arbre d’un...