• Elle pleurait, toute pâle de crainte,
    Lors que la Mort sa moitié menaçait,
    Et tellement l'air de cris remplissait
    Que la Mort même à pleurer eut contrainte.

    Hélas ! mon Dieu, que sa grâce était sainte !
    Que beau son teint, qui les lys effaçait !
    Le trait d'Amour cependant me blessait,
    Et dans mon âme engravait sa complainte.

    L'air en...

  • Las ! que me sert de voir ces belles plaines,
    Pleines de fruits, d'arbrisseaux et de fleurs ;
    De voir ces prés bigarrés de couleurs,
    Et l'argent vif des bruyantes fontaines ?

    C'est autant d'eau pour reverdir mes peines,
    D'huile à ma braise, à mes larmes d'humeurs,
    Ne voyant point celle pour qui je meurs,
    Cent fois le jour, de cent morts inhumaines...

  • Si la foi plus certaine en une âme non feinte,
    Un honnête désir, un doux languissement,
    Une erreur variable et sentir vivement,
    Avec peur d'en guérir, une profonde atteinte ;

    Si voir une pensée au front toute dépeinte,
    Une voix empêchée, un morne étonnement,
    De honte ou de frayeur naissant soudainement,
    Une pâle couleur de lis et d'amour teinte :
    ...

  • Ô bien heureux qui peut passer sa vie
    Entre les siens franc de haine et d'envie,
    Parmi les champs, les forêts et les bois,
    Loin du tumulte et du bruit populaire,
    Et qui ne vend sa liberté pour plaire
    Aux passions des princes et des rois !

    Il n'a souci d'une chose incertaine;
    Il ne se plaît d'une espérance vaine ;
    Nulle faveur ne le va décevant...

  • Quand j'approche de vous, et que je prends l'audace
    De regarder vos yeux, rois de ma liberté,
    Une ardeur me saisit, je suis tout agité,
    Et mille feux ardents en mon coeur prennent place.

    Hélas ! pour mon salut que faut-il que je fasse,
    Sinon vous éloigner contre ma volonté ?
    Je le fais ; toutefois, je n'en suis mieux traité,
    Car, si j'étais en feu...

  • Blessé d'une plaie inhumaine,
    Loin de tout espoir de secours,
    Je m'avance à ma mort prochaine,
    Plus chargé d'ennuis que de jours.

    Celle qui me brûle en sa glace,
    Mon doux fiel, mon mal et mon bien,
    Voyant ma mort peinte en ma face,
    Feint hélas ! n'y connaître rien.

    Comme un roc à l'onde marine
    Elle est dure aux flots de mes pleurs...

  • Marchands, qui recherchez tout le rivage more
    Du froid Septentrion et qui, sans reposer,
    À cent mille dangers vous allez exposer
    Pour un gain incertain, qui vos esprits dévore,

    Venez seulement voir la beauté que j'adore,
    Et par quelle richesse elle a su m'attiser :
    Et je suis sûr qu'après, vous ne pourrez priser
    Le plus rare trésor dont l'Afrique se...

  • Epouvantable Nuit, qui tes cheveux noircis
    Couvres du voile obscur des ténèbres humides
    Et des antres sortant par tes couleurs livides,
    De ce grand Univers les beautés obscurcis.

    Las ! si tous les travaux par toi sont adoucis,
    Au ciel, en terre, en l'air, sous les marbres liquides,
    Or que dedans ton char le silence tu guides,
    Un de tes cours entiers...

  • Le tens leger s'enfuit sans m'en apercevoir,
    Quand celle à qui je suis mes angoisses console :
    Il n'est vieil, n'y boiteux, c'est un enfant qui vole,
    Au moins quand quelque bien vient mon mal deçevoir.

    À peine ai-je loisir seulement de la voir
    Et de ravir mon ame en sa douce parole,
    Que la nuict à grands pas se haste et me la volle,
    M'ostant toute...

  • Que vous m'allez tourmentant
    De m'estimer infidèle !
    Non, vous n'êtes point plus belle
    Que je suis ferme et constant.

    Pour bien voir quelle est ma foi,
    Regardez-moi dans votre âme :
    C'est comme j'en fais, Madame ;
    Dans la mienne je vous vois.

    Si vous pensez me changer,
    Ce miroir me le rapporte ;
    Voyez donc, de même sorte,
    En...