• La terre verdissait, qui venait d'émerger
    Des primitives eaux. L'antre au sombre orifice
    Était, en ces jours-là, son unique édifice,
    Et l'homme vagabond y pouvait héberger.

    Or, deux frères vivaient : un semeur, un berger.
    Ils offrirent à Dieu le premier sacrifice.
    Le berger fut béni. L'autre, usant d'artifice,
    L'attira sur son coeur afin de l'...

  • Et Dieu dit, regrettant l'excès de sa bonté
    - La terre que j'ai faite est livrée au désordre ;
    Elle ignore mon nom et méprise mon ordre ;
    Demain son dernier jour enfin sera compté.

    Il verse des torrents ; et c'est sa volonté
    Que ces eaux de vengeance aillent couvrir ou mordre
    Des gorges et des bras que l'horreur fait se tordre...
    Mais l'amour ne...

  • Enfin j'ai secoué la poussière des villes ;
    J'habite les champs parfumés.
    Je me sens vivre ici, dans ces cantons tranquilles,
    Sur ces bords que j'ai tant aimés.

    L'ennui me consumait dans tes vieilles murailles,
    O noble cité de Champlain !
    Je ne suis pas, vois-tu, l'enfant de tes entrailles,
    Je ne suis pas né châtelain.

    Je suis né dans les...

  • Eve

    - Un désir inconnu, mystérieux levain,
    Soulève et fait gémir mon âme émerveillée.
    Des rêves enivrants, quand je suis éveillée,
    Promènent mes esprits dans un orbe sans fin.

    Quel est-il donc ce bien que je soupçonne en vain ?
    Est-ce l'ambition ? Elle m'est conseillée.
    Dieu serait-il jaloux, et suis-je surveillée ?
    Garde-t-il pour lui seul tout son...

  • Que le ciel bienveillant te garde des périls,
    Moisson que mes sueurs ont souvent arrosée !
    Qu'il répande sur toi sa lumière rosée,
    Et que ta gerbe mûre embaume les fenils !

    Vous tremblez, mes pauvrets, comme une larme aux cils,
    Comme aux lèvres, l'aveu, comme aussi la rosée
    Qu'un baiser de l'aurore a, sans bruit, déposée
    Sur le feuillage vert, tout...

  • Mon rêve a ployé l'aile. En l'ombre qui s'étend,
    Il est comme un oiseau que le lacet captive.
    Malgré des jours nombreux ma fin semble hâtive ;
    Je dis l'adieu suprême à tout ce qui m'entend.

    Je suis content de vivre et je mourrai content.
    La mort n'est-elle pas une peine fictive ?
    J'ai mieux aimé chanter que jeter l'invective.
    J'ai souffert, je pardonne...

  • Béthulie assiégée allait périr de faim ...
    Dans l'ombre, un soir, Judith que ce malheur consterne,
    Vient offrir, toute belle, au vaillant Holopherne
    De lui livrer la ville épuisée à la fin.

    - Qu'on boive le nectar dans les coupes d'or fin !
    Que le baiser suave avec le rire alterne,
    Fit le guerrier ! Il but. Or, fermant son oeil terne,
    Il s'endormit...

  • Ils rendent à Dagon leurs devoirs négligés.
    Le dieu, peu rancunier, sourit à leur hommage.
    Dans son temple superbe, et devant son image,
    Ils se gorgent de vins aux festins obligés.

    Ils ne gémissent plus comme des affligés,
    Mais ils chantent l'amour. C'est un joyeux chômage.
    La nation perverse ainsi se dédommage
    De la honte subie et des maux infligés...

  • Comment paraît la terre, en ces champs infinis
    Où le verre savant hâte ses découvertes,
    Quand de neige ou de fleurs ses plaines sont couvertes,
    Et quand, sur ses labours, flottent les blés jaunis ?

    Comment, avec ses bois comme des flots unis ?
    Avec ses mers de sable et ses oasis vertes ?
    Ses nuages pareils à des ailes ouvertes ?
    Ses fleuves vagabonds et...

  • Rome pour tout un jour dépouille son air morne.
    Escorté de consuls, de femmes, de valets,
    Néron, vêtu de pourpre, a quitté son palais,
    Et le peuple ébloui l'acclame et le flagorne.

    Un vieillard voulait voir.- Monte sur cette borne,
    Lui dit en le haussant un joueur d'osselets ;
    Mais ses yeux sont chargés de foudre, évite-les ;
    Courbe tes cheveux...