• Du wagon sombre où rien ne bouge, où rien ne luit,
    Las des rêves, mauvais compagnons pour la nuit,
    Le voyageur, avec le jour, cherchant l'espace,
    Salue en souriant la campagne qui passe :
    Les arbres, les moissons hautes, l'azur des prés
    Lointains, sur le penchant des coteaux diaprés,
    Les villages qui sont tout proches de la route,
    Les troupeaux ruminants et...

  • Le bal allait finir. Les lustres sur les masques
    Découpaient la lumière en caprices fantasques,
    Et sur les fronts ternis montraient à vif le fard.
    L'oeil était somnambule et le rire blafard.
    La femme avait vieilli de dix ans en une heure.
    Ce n'était pas le beau plaisir qui nous effleure
    D'une aile diaprée et légère. C'était
    Le plaisir convulsif et...

  • À l'abri de l'hiver qui jetait vaguement
    Sa clameur, dans la chambre étroite et bien fermée
    Où mourait un bouquet fait de ta fleur aimée,
    Parmi les visions de l'étourdissement ;

    Pendant qu'avec la joie extrême d'un amant
    Je froissais d'un coeur las et d'une main pâmée
    L'étoffe frémissante et la chair embaumée,
    Mon sang montait plus lourd à chaque...

  • A Catulle mendès.

    Les Parisiens, entendus
    Aux riens charmants plus qu'au bien-être,
    Se font des jardins suspendus
    D'un simple rebord de fenêtre,

    On peut voir en toute saison
    Des fils de fer formant treillage
    Faire une fête à la maison
    De quelques bribes de feuillage.

    Dès qu'il a fait froid, leurs couleurs
    Ne sont plus que...

  • Derrière l'épaisseur lucide du carreau
    Un paysage grêle, une miniature,
    Fait voir chaque détail plus petit que nature
    Et tient entre les quatre arêtes du barreau.

    Ce transparent posé d'aplomb sur le tableau
    Montre un ciel triste encore et d'une couleur dure,
    Des gens qui vont, les champs, des arbres en bordure,
    Et les flaques de pluie où l'azur luit...

  • ... La blondeur obsédante et fauve de l'été
    Élimant le satin défraîchi des corolles,
    Enamoure d'un long baiser l'urne des trolles
    Et des lys martagons de pourpre mouchetés. [...]

  • Tu réveilles en moi des souvenirs confus.
    Je t'ai vu, n'est-ce pas ? moins triste et moins modeste.
    Ta tête sous l'orage avait un noble geste,
    Et l'amour se cachait dans tes rameaux touffus.

    D'autres, autour de toi, comme de riches fûts,
    Poussaient leurs troncs noueux vers la voûte céleste.
    Ils sont tombés, et rien de leur beauté ne reste ;
    Et toi-même...

  • Laissons l'âtre mourir ; courons à l'aventure.
    Le brouillard qui s'élève est largement troué ;
    La fontaine reprend son murmure enjoué ;
    La clématite grimpe à chaque devanture.

    Le ciel fait ondoyer les plis de sa tenture ;
    Une tiède vapeur monte du sol houé ;
    L'air doux est plein de bruits ; les bois ont renoué,
    Dans les effluves chauds, leur discrète...

  • Près des. monts de Judée, arides, sans fraîcheurs,
    Et des monts de Moab aux sèves fécondantes,
    L'Asphaltite maudit berce ses eaux mordantes,
    Où jamais ne tomba le filet des pécheurs.

    Les rocs nus sont rayés de sinistres blancheurs.
    Serait-ce un reste froid de vos cendres ardentes,
    Impudiques cités ? Les vagues abondantes
    Ont-elles pu laver le front...

  • Moïse, agenouillé sur le mont Sinaï,
    Plus haut que les rochers où l'aigle pend son aire,
    Reçoit devant le ciel, aux éclats du tonnerre,
    La table de la loi des mains d'Adonaï.

    Par un souffle infernal se sent tout envahi
    Le peuple qui l'attend. Ingrat et mercenaire,
    Il façonne un veau d'or, l'exalte et le vénère,
    Au mépris du Dieu bon qu'il a cent...