• Mort, que fais-tu, dis-nous, de tous ces beaux trophées
    De vierges que nos feux brûlent sur tes autels ?
    Réponds, quand serons-nous pour jamais immortels
    Aux lumineux séjours des célestes Riphées ?

    J'eus vécu l'Idéal. Au paradis des Fées
    Elle était !... Je ne sais, mais elle avait de tels
    Yeux que j'y voyais poindre, aux soirs, de grands castels
    Massifs...

  • Voici que le dahlia, la tulipe et les roses
    Parmi les lourds bassins, les bronzes et les marbres
    Des grands parcs où l'Amour folâtre sous les arbres
    Chantent dans les soirs bleus ; monotones et roses

    Chantent dans les soirs bleus la gaîté des parterres,
    Où danse un clair de lune aux pieds d'argent obliques,
    Où le vent de scherzos quasi mélancoliques...

  • Aux soupirs de l'archet béni,
    Il s'est brisé, plein de tristesse,
    Le soir que vous jouiez, comtesse,
    Un thème de Paganini.

    Comme tout choit avec prestesse !
    J'avais un amour infini,
    Ce soir que vous jouiez, comtesse,
    Un thème de Paganini.

    L'instrument dort sous l'étroitesse
    De son étui de bois verni,
    Depuis le soir où,...

  • Sainte Notre-Dame, en beau manteau d'or,
    De sa lande fleurie
    Descend chaque soir, quand son Jésus dort,
    En sa Ville-Marie.
    Sous l'astral flambeau que portent ses anges,
    La belle Vierge va
    Triomphalement, aux accords étranges
    De céleste bîva.

    Sainte Notre-Dame a là-haut son trône
    Sur notre Mont-Royal ;
    Et de là, son oeil subjugue le Faune...

  • Les pieds sur les chenets de fer
    Devant un bock, ma bonne pipe,
    Selon notre amical principe
    Rêvons à deux, ce soir d'hiver.

    Puisque le ciel me prend en grippe
    (N'ai-je pourtant assez souffert ?)
    Les pieds sur les chenets de fer
    Devant un bock, rêvons, ma pipe.

    Preste, la mort que j'anticipe
    Va me tirer de cet enfer
    Pour...

  • Casqués de leurs shakos de riz,
    Vieux de la vieille au mousquet noir,
    Les hauts toits, dans l'hivernal soir,
    Montent la consigne à Paris.

    Les spectres sur le promenoir
    S'ébattent en défilés gris.
    Restons en intime pourpris,
    Comme cela, sans dire ou voir...

    Pose immobile la guitare,
    Gretchen, ne distrais le bizarre
    Rêveur...

  • En expirant sur l'arbre affreux du Golgotha,
    De quel regret ton âme, ô Christ, fut-elle pleine ?
    Etait-ce de laisser Marie et Madeleine
    Et les autres, au roc où la Croix se planta ?

    Quand le funèbre choeur sous Toi se lamenta,
    Et que les clous crispaient tes mains ; quand, par la plaine,
    Ton âme eut dispersé la fleur de son haleine,
    Devançant ton essor...

  • Rien n'est plus doux aussi que de s'en revenir
    Comme après de longs ans d'absence,
    Que de s'en revenir
    Par le chemin du souvenir
    Fleuri de lys d'innocence
    Au jardin de l'Enfance.

    Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet
    D'où s'enfuirent les gaîtés franches,
    Notre jardin muet,
    Et la danse du menuet
    Qu'autrefois menaient sous branches...

  • Toujours je garde en moi la tristesse profonde
    Qu'y grava l'amitié d'une adorable enfant,
    Pour qui la mort sonna le fatal olifant,
    Parce qu'elle était belle et gracieuse et blonde.

    Or, depuis je me sens muré contre le monde,
    Tel un prince du Nord que son Kremlin défend,
    Et, navré du regret dont je suis étouffant,
    L'Amour comme à sept ans ne verse plus...

  • Vous que j'aimai sous les grands houx,
    Aux soirs de bohème champêtre,
    Bergère, à la mode champêtre,
    De ces soirs vous souvenez-vous ?
    Vous étiez l'astre à ma fenêtre
    Et l'étoile d'or dans les houx.

    Aux soirs de bohème champêtre
    Vous que j'aimai sous les grands houx,
    Bergère, à la mode champêtre,
    Où donc maintenant êtes-vous ?
    - Vous êtes...