• À Léon Cladel.

    C'est un trumeau. Le site est galant à merveille :
    Un ciel bleu ; point d'épis, mais des buissons entiers
    De roses ; et partout débouchent des sentiers
    Les couples qu'au hasard le Printemps appareille.

    Les pimpantes beautés, une perle à l'oreille,
    Une plume au chapeau, les grands seigneurs altiers
    Cheminent enlacés ; et les fiers...

  • Sur la mer de tes yeux sincères
    Qu'abritent les doux cils arqués,
    Mes rêves se sont embarqués
    Comme d'aventureux corsaires.

    Sur l'azur glauque de tes yeux
    Où baignent des lueurs d'étoiles,
    Mes rêves déployant leurs voiles
    Ont cru fendre le bleu des cieux.

    Et dans vos prunelles profondes,
    Beaux yeux perfides où je lis,
    Mes rêves sont...

  • Il est de fins ressorts dont la marche ignorée
    - Ni savants, ni rêveurs, n'ont deviné comment -
    Va dans un coin de l'âme éveiller brusquement
    Le parfum d'une fleur autrefois respirée.

    Autrefois, le céleste épanouissement
    De ta bouche qui rit, cette rose pourprée,
    M'avait tout embaumé l'âme... Chère adorée
    Qui t'envolas si tôt, l'oubli vint lentement !...

  • Dans l'air frais du matin où s'effare la feuille,
    Dans la jeune clarté des jours roses et bleus,
    Dans la nuit solennelle et pure où se recueille
    L'âme présente encor des bergers fabuleux,

    Dans le cristal des eaux, dans le velours des mousses
    Dans l'innocence en fleur des jardins radieux,
    Dans le concert que font toutes les choses douces,
    Je retrouve,...

  • Une douceur splendide et sombre
    Flotte sous le ciel étoilé
    On dirait que là-haut, dans l?ombre
    Un paradis s?est écroulé.

    Et c?est comme l?odeur ardente,
    L?odeur fiévreuse dans l?air noir,
    D?une chevelure d?amante
    Dénouée à travers le soir.

    Tout l?espace languit de fièvres.
    Du fond des coeurs mystérieux
    S?en viennent mourir sur les...

  • Ô nuit magicienne, ô douce, ô solitaire,
    Le paysage avec sa flûte de roseau
    T?accueille ; et tes pieds nus posés sur le coteau
    Font tressaillir le coeur fatigué de la terre.

    Laissant fuir de ses doigts sa guirlande de fleurs,
    Voici qu?en tes bras frais s?endort le soir qui rêve.
    L?âme, veule au soleil, frissonne, se soulève,
    Et tord sa chevelure à la...

  • Vers l'archipel limpide, où se mirent les Iles,
    L'Hermaphrodite nu, le front ceint de jasmin,
    Épuise ses yeux verts en un rêve sans fin ;
    Et sa souplesse torse empruntée aux reptiles,

    Sa cambrure élastique, et ses seins érectiles
    Suscitent le désir de l'impossible hymen.
    Et c'est le monstre éclos, exquis et surhumain,
    Au ciel supérieur des formes...

  • Vague et noyée au fond du brouillard hiémal,
    Mon âme est un manoir dont les vitres sont closes,
    Ce soir, l'ennui visqueux suinte au long des choses,
    Et je titube au mur obscur de l'animal.

    Ma pensée ivre, avec ses retours obsédants
    S'affole et tombe ainsi qu'une danseuse soûle ;
    Et je sens plus amer, à regarder la foule,
    Le dégoût d'exister qui me...

  • Quand je suis à tes pieds, comme un fidèle au temple
    Immobile et pieux, quand fervent je contemple
    Ta bouche exquise ou flotte un sourire adoré,
    Tes cheveux blonds luisant comme un casque doré,
    Tes yeux penchés d?où tombe une douceur câline,
    Ton cou svelte émergeant d?un flot de mousseline,
    L?ombre de tes longs cils sur ta joue et tes seins
    Où mes baisers...

  • Nous sommes les Puissants - soldat, rhapsode ou mage,
    Nous naissons pour l?orgueil de voir, dompteurs altiers,
    Les siècles asservis se coucher à nos pieds ;
    Et c?est nous qui forgeons, surhumains ouvriers,
    Tour à tour, la vieille âme humaine à notre image.

    Nous sommes les Puissants exécrés ou bénis,
    Fronts nimbés d?auréole ou brûlés d?anathème.
    Le sort...