• Le Roi des Runes vint des collines sauvages.
    Tandis qu'il écoutait gronder la sombre mer,
    L'ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,
    Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer.

    Le Skalde immortel dit : - Quelle fureur t'assiège,
    Ô sombre Mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,
    Pourquoi pleurer ? Vieil Ours vêtu de poil de neige,
    De l'aube au...

  • Le secret de la vie est dans les tombes closes :
    Ce qui n'est plus n'est tel que pour avoir été ;
    Et le néant final des êtres et des choses
    Est l'unique raison de leur réalité.

    O vieille illusion, la première des causes !
    Pourquoi nous éveiller de notre éternité,
    Si, toi-même n'étant que leurre et vanité,
    Le secret de la vie est dans les tombes...

  • Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes,
    Il est un lieu sauvage, au rêve hospitalier,
    Qui, dès le premier jour, n'a connu que peu d'hôtes ;
    Le bruit n'y monte pas de la mer sur les côtes,
    Ni la rumeur de l'homme : on y peut oublier.

    La liane y suspend dans l'air ses belles cloches
    Où les frelons, gorgés de miel, dorment blottis ;
    Un rideau d'...

  • Étant un vieux chasseur altéré de grand air
    Et du sang noir des boeufs, il avait l'habitude
    De contempler de haut les plaines et la mer,
    Et de rugir en paix, libre en sa solitude.

    Aussi, comme un damné qui rôde dans l'enfer,
    Pour l'inepte plaisir de cette multitude
    Il allait et venait dans sa cage de fer,
    Heurtant les deux cloisons avec sa tête rude....

  • Voici. Qaïn errait sur la face du monde.
    Dans la terre muette Ève dormait, et Seth,
    Celui qui naquit tard, en Hébron grandissait.
    Comme un arbre feuillu, mais que le temps émonde,
    Adam, sous le fardeau des siècles, languissait.

    Or, ce n'était plus l'Homme en sa gloire première,
    Tel qu'Iahvèh le fit pour la félicité,
    Calme et puissant, vêtu d'une mâle...

  • La lune n'était point ternie,
    Le ciel était tout étoilé ;
    Et moi, j'allai trouver Annie
    Dans les sillons d'orge et de blé.
    Oh ! les sillons d'orge et de blé !

    Le coeur de ma chère maîtresse
    Etait étrangement troublé.
    Je baisai le bout de sa tresse,
    Dans les sillons d'orge et de blé !
    Oh ! les sillons d'orge et de blé !

    Que sa...

  • Sur le vert Hymette, Éros, un matin,
    Dérobait du miel à la ruche attique,
    Mais, voyant le Dieu faire son butin,
    Une prompte abeille accourt et le pique.
    L'enfant tout en pleurs, le Dieu maladroit,
    S'enfuit aussitôt, souffle sur son doigt,
    Et jusqu'à Kypris vole à tire d'aile,
    Oubliant son arc, rouge et courroucé :
    - Ma mère, un petit serpent m'a...

  • Toi dont les yeux erraient, altérés de lumière,
    De la couleur divine au contour immortel
    Et de la chair vivante à la splendeur du ciel,
    Dors en paix dans la nuit qui scelle ta paupière.

    Voir, entendre, sentir ? Vent, fumée et poussière.
    Aimer ? La coupe d'or ne contient que du fiel.
    Comme un Dieu plein d'ennui qui déserte l'autel,
    Rentre et...

  • Le soleil a doré les collines lointaines ;
    Sous le faîte mouillé des bois étincelants
    Sonne le timbre clair et joyeux des fontaines.

    Un chariot massif, avec deux buffles blancs,
    Longe, au lever du jour, la sauvage rivière
    Où le vent frais de l'Est rit dans les joncs tremblants.

    Un jeune homme, vêtu d'une robe grossière,
    Mène paisiblement l'...

  • Comme un morne exilé, loin de ceux que j'aimais,
    Je m'éloigne à pas lents des beaux jours de ma vie,
    Du pays enchanté qu'on ne revoit jamais.
    Sur la haute colline où la route dévie
    Je m'arrête, et vois fuir à l'horizon dormant
    Ma dernière espérance, et pleure amèrement.

    O malheureux ! crois-en ta muette détresse :
    Rien ne refleurira, ton coeur ni ta...