• Le palais est de marbre où, le long des portiques,
    Conversent des seigneurs que peignit Titien,
    Et les colliers massifs au poids du marc ancien
    Rehaussent la splendeur des rouges dalmatiques.

    Ils regardent au fond des lagunes antiques,
    De leurs yeux où reluit l'orgueil patricien,
    Sous le pavillon clair du ciel vénitien
    Étinceler l'azur des mers...

  • La moisson débordant le plateau diapré
    Roule, ondule et déferle au vent frais qui la berce ;
    Et le profil, au ciel lointain, de quelque herse
    Semble un bateau qui tangue et lève un noir beaupré.

    Et sous mes pieds, la mer, jusqu'au couchant pourpré,
    Céruléenne ou rose ou violette ou perse
    Ou blanche de moutons que le reflux disperse,
    Verdoie à l'...

  • après une récitation de Dante

    Ô Rossi, je t'ai vu, traînant le manteau noir,
    Briser le faible coeur de la triste Ophélie,
    Et, tigre exaspéré d'amour et de folie,
    Étrangler tes sanglots dans le fatal mouchoir.

    J'ai vu Lear et Macbeth, et pleuré de te voir
    Baiser, suprême amant de l'antique Italie,
    Au tombeau nuptial Juliette pâlie.
    ...

  • L'Etna mûrit toujours la pourpre et l'or du vin
    Dont l'Érigone antique enivra Théocrite ;
    Mais celles dont la grâce en ses vers fut écrite,
    Le poète aujourd'hui les chercherait en vain.

    Perdant la pureté de son profil divin,
    Tour à tour Aréthuse esclave et favorite
    A mêlé dans sa veine où le sang grec s'irrite
    La fureur sarrasine à l'orgueil...

  • Par quels froids Océans, depuis combien d'hivers,
    - Qui le saura jamais, Conque frêle et nacrée ! -
    La houle sous-marine et les raz de marée
    T'ont-ils roulée au creux de leurs abîmes verts ?

    Aujourd'hui, sous le ciel, loin des reflux amers,
    Tu t'es fait un doux lit de l'arène dorée.
    Mais ton espoir est vain. Longue et désespérée,
    En toi gémit...

  • C'est un vallon sauvage abrité de l'Euxin ;
    Au-dessus de la Source un noir laurier se penche,
    Et la Nymphe, riant, suspendue à la branche,
    Frôle d'un pied craintif l'eau froide du bassin.

    Ses compagnes, d'un bond, à l'appel du buccin,
    Dans l'onde jaillissante où s'ébat leur chair blanche
    Plongent, et de l'écume émergent une hanche,
    De clairs cheveux, un...

  • Dans le cadre de plomb des fragiles verrières,
    Les maîtres d'autrefois ont peint de hauts barons
    Et, de leurs doigts pieux tournant leurs chaperons,
    Ployé l'humble genou des bourgeois en prières.

    D'autres sur le vélin jauni des bréviaires
    Enluminaient des Saints parmi de beaux fleurons,
    Ou laissaient rutiler, en traits souples et prompts,
    Les...

  • La foule nuptiale au festin s'est ruée,
    Centaures et guerriers ivres, hardis et beaux ;
    Et la chair héroïque, au reflet des flambeaux,
    Se mêle au poil ardent des fils de la Nuée.

    Rires, tumulte... Un cri !... L'Epouse polluée
    Que presse un noir poitrail, sous la pourpre en lambeaux
    Se débat, et l'airain sonne au choc des sabots
    Et la table s'écroule à...

  • Quand l'aigle a dépassé les neiges éternelles,
    A ses larges poumons il veut chercher plus d'air
    Et le soleil plus proche en un azur plus clair
    Pour échauffer l'éclat de ses mornes prunelles.

    Il s'enlève. Il aspire un torrent d'étincelles.
    Toujours plus haut, enflant son vol tranquille et fier,
    Il plane sur l'orage et monte vers l'éclair
    Mais la...

  • C'est dans ce doux pays qu'a vécu Suétone ;
    Et de l'humble villa voisine de Tibur,
    Parmi la vigne, il reste encore un pan de mur,
    Un arceau ruiné que le pampre festonne.

    C'est là qu'il se plaisait à venir, chaque automne,
    Loin de Rome, aux rayons des derniers ciels d'azur,
    Vendanger ses ormeaux qu'alourdit le cep mûr.
    Là sa vie a coulé tranquille...