• Comment, mon très obscur et très cher homonyme,
    En un recueil de vers fait par un anonyme
                Dont je suis l’heureux possesseur,
    Frondant de tes voisins la grasse platitude,
    Ai-je vu ce sonnet d’une fière attitude,
                Ô Nicolas Le Vavasseur ?

    Gueux comme Colletet, tes odes peu savantes
    Cherchaient, à son exemple, à charmer les...

  • Résignée et soumise au Dieu de l’univers,
    La Nature en silence adore, vit et prie ;
    Sur le sol riche ou nu qui lui sert de patrie
    L’animal suit la loi de ses instincts divers.

    Les printemps alternés succèdent aux hivers,
    La terre est tour à tour fécondée et fleurie
    Et le bon Dieu sourit aux fleurs de la prairie
    Qui regardent le ciel comme des yeux...

  • À quoi sert un brin d’herbe? — À rien,
    Dit l’aigle à la serre puissante.
    — Moi, répond la taupe innocente,
    Par dessous je ne vois pas bien.

    — C’est notre pain quotidien,
    Dit la brebis reconnaissante.
    — C’est l’œuvre toujours renaissante
    Du créateur, dit le chrétien.

    Et le poète solitaire
    Que, jusqu’au trépas, le mystère
    De la...

  • Novembre va finir et les Avents sont proches.
    Les frileux sous le porche ont les mains dans leurs poches,
    Leurs dents claquent.
    Leurs dents claquent.Enfin, la Messe est dite. On part.

    Bonjour, Cousin. — Bonjour, Rose. — Et de votre part ?
    Pendant que le cousin répond à...

  • Sous l’ombrage d’une treille,
    Au coin d’un verger normand,
    À la troisième bouteille
    Je m’endormis doucement.
    Dans mon sommeil m’apparurent
    Tous les ivrognes qui burent
    Le jus qu’inventa Noé.
    Bacchus, une coupe pleine
    Soutenait le vieux Silène
    Qui murmurait : Evohé !

    Glorieux d’être en famille,
    Maître Adam se trémoussait
    ...

  • Le jeune philosophe et la vieille portière
    Aiment le chat câlin, pudibond et méchant
    Qui vers le pot au lait, tout en se pourléchant,
    Descend à pas comptés le long de sa gouttière.

    Les plus doux oreillers lui servent de litière,
    Fourré, poltron, gourmand grassouillet, pleurnichant,
    L’animal paresseux fait gros dos en marchant
    Et patte de velours...

  • C’est moi qui suis Dragon, le chien de ce troupeau
    Et Guillot, le pasteur, ce gars de piètre mine
    Qui le long des sillons clopin-clopant chemine,
    Malgré son manteau jaune et malgré son chapeau,

    Est moins berger que moi qui n’ai rien que ma peau.
    Il me laisse pourtant ronger par la vermine
    Et je déserterais, poussé par la famine,
    Si je n’étais...

  • Tondu, pelé, galeux, sans paille dans sa niche,
    L’hiver, il reste au fond de sa maison de bois
    Et, quand il ne pleut pas, par les jours les plus froids,
    Comme un sphinx de granit, gelé sur sa corniche,

    Il s’assied à sa porte, il grelotte, il pleurniche,
    Piaille, allonge son muffle et souffle sur ses doigts.
    Il est plus vaniteux que le fils de vingt rois...

  • La bande de corbeaux qui dort dans la ramée
    S’éveille en croassant tout bas quand le jour luit,
    Quitte en tourbillonnant son gîte de la nuit
    Et sur un champ de blé va s’abattre affamée.

    L’oiseau cherche des vers dans la terre semée,
    Mais parfois trop ardent au gibier qu’il poursuit,
    Il becquète le grain qui fermente et détruit
    La part de la moisson...

  • Six heures du matin, dimanche. C’est dimanche,
    La femme ouvre l’armoire et fouille son tiroir ;
    L’homme s’est fait la barbe et devant son miroir
    Il rehausse le col de sa chemise blanche.

    Le cheval de labour se repose ; il se penche
    Sur sa crèche, pensif, dans un doux nonchaloir ;
    Il regarde le fouet, oisif jusqu’à ce soir
    Et dont la corde dort roulée...