• À la beauté du Ciel votre beauté j'égale :
    Le Ciel en sa rondeur toute forme contient,
    Et par son mouvement crée, émeut et maintient ;
    De semblables effets vous êtes libérale.

    Car votre belle vue admirable et fatale
    Crée en nous les amours, les garde et Ies soutient,
    Et tant de beaux pensers dont l'esprit s'entretient,
    Ont leur mouvement d'elIe et...

  • Cette belle ennemie et d'Amour et de moi,
    Qui presqu'en se jouant range tout en servage,
    A pour soldats choisis, et pour riche équipage
    L’honneur, la Chasteté. la Constance et la Foi :

    Un seul mauvais penser n'a place auprès de soi,
    La Vertu toute vive est peinte en son visage :
    Si bien que qui la voit lève au Ciel son courage,
    Et des communs désirs...

  • Je vous offre ces vers qu’Amour m'a fait écrire,
    De vos yeux ses flambeaux ardemment agité,
    Non pour sacrer ma peine à l'immortalité :
    Car à si haut loyer ma jeunesse n'aspire.

    C'est le but de mes vœux, que je vous fasse lire
    Le variable état de ma captivité,
    Célébrant vos honneurs si je suis bien traité,
    Accusant vos rigueurs si je sens du martyre...

  • Ma nef passe au destroit d’une mer couroucée,
    Toute comble d’oubly, l’hiver à la minuict ;
    Un aveugle, un enfant, sans soucy la conduit,
    Desireux de la voir sous les eaux renversée.

    Elle a pour chaque rame une longue pensée
    Coupant, au lieu de l’eau, l’espérance qui fuit ;
    Les vents de mes soupirs, effroyables de bruit,
    Ont arraché...

  • J'ai dit à mon désir : pense à te bien guider,
    Rien trop bas, ou trop haut, ne te fasse distraire.
    Il ne m'écouta point, mais jeune et volontaire,
    Par un nouveau sentier se voulut hasarder.

    Je vis le ciel sur lui mille orages darder,
    Je le vis traversé de flamme ardente et claire,
    Se plaindre en trébuchant de son vol téméraire,
    Que mon sage...

  • Elle pleurait, toute pâle de crainte,
    Lors que la Mort sa moitié menaçait,
    Et tellement l'air de cris remplissait
    Que la Mort même à pleurer eut contrainte.

    Hélas ! mon Dieu, que sa grâce était sainte !
    Que beau son teint, qui les lys effaçait !
    Le trait d'Amour cependant me blessait,
    Et dans mon âme engravait sa complainte.

    L'air en...

  • Las ! que me sert de voir ces belles plaines,
    Pleines de fruits, d'arbrisseaux et de fleurs ;
    De voir ces prés bigarrés de couleurs,
    Et l'argent vif des bruyantes fontaines ?

    C'est autant d'eau pour reverdir mes peines,
    D'huile à ma braise, à mes larmes d'humeurs,
    Ne voyant point celle pour qui je meurs,
    Cent fois le jour, de cent morts inhumaines...

  • Si la foi plus certaine en une âme non feinte,
    Un honnête désir, un doux languissement,
    Une erreur variable et sentir vivement,
    Avec peur d'en guérir, une profonde atteinte ;

    Si voir une pensée au front toute dépeinte,
    Une voix empêchée, un morne étonnement,
    De honte ou de frayeur naissant soudainement,
    Une pâle couleur de lis et d'amour teinte :
    ...

  • Ô bien heureux qui peut passer sa vie
    Entre les siens franc de haine et d'envie,
    Parmi les champs, les forêts et les bois,
    Loin du tumulte et du bruit populaire,
    Et qui ne vend sa liberté pour plaire
    Aux passions des princes et des rois !

    Il n'a souci d'une chose incertaine;
    Il ne se plaît d'une espérance vaine ;
    Nulle faveur ne le va décevant...

  • Quand j'approche de vous, et que je prends l'audace
    De regarder vos yeux, rois de ma liberté,
    Une ardeur me saisit, je suis tout agité,
    Et mille feux ardents en mon coeur prennent place.

    Hélas ! pour mon salut que faut-il que je fasse,
    Sinon vous éloigner contre ma volonté ?
    Je le fais ; toutefois, je n'en suis mieux traité,
    Car, si j'étais en feu...