• Que je repose en toi, mon beau logis d'amour,
    Dans la nuit de ton coeur sur mon être scellée.
    Tu seras mon tombeau. Oubliant les détours,
    Ombre, je vais descendre, en ton ombre effacée.

    Tu seras mon tombeau. Enfin je vais dormir,
    Prise dans le linceul que me fera ton âme,
    Goûtant, morte sacrée, au sein du souvenir,
    L'amour intérieur que ma vie...

  • Notre maison est seule au creux de la montagne
    Où le chant d'une source appelle des roseaux,
    Où le bout de jardin plein de légumes gagne
    La roche qui nous tient dans son âpre berceau.
    Septembre laisse choir sur les molles argiles
    La pomme abandonnée aux pourceaux grassouillets.
    Nous avons dû poser des cailloux sur les tuiles ;
    Car la bise souvent s'...

  • Laisse couler mes pleurs tendres sur ton visage.
    Bois-les, je suis ta soeur humaine dans la vie,
    Le sang coule en ma chair pour être ta pâture
    Et l'amour de la créature
    M'a pour jamais vers toi, ô mon frère, inclinée.
    Quel intime frisson de chair nous réunit,
    Quelle nudité d'âme et de chair nous assemble,
    Ô toi seul devant qui je demeure plus nue...

  • (Fragment)

    Quand j'aurai bien souffert de mon âme muette
    Qui contenait le rythme et les rayons humains,
    Sans l'avoir jamais vue, en des planches secrètes,
    Des hommes la cloueront, ironique destin !

    Car ce que j'ai chanté n'est encor que silence,
    Et mon coeur et mes yeux, mon élan contenu,
    À travers la torpeur de la matière immense,
    ...

  • Je t'apporte ce soir ma natte plus lustrée
    Que l'herbe qui miroite aux collines de juin ;
    Mon âme d'aujourd'hui fidèle à toi rentrée
    Odore de tilleul, de verveine et de foin ;
    Je t'apporte cette âme à robe campagnarde.
    Tout le jour j'ai couru dans la fleur des moissons
    Comme une chevrière innocente qui garde
    Ses troupeaux clochetant des refrains aux...

  • Voilà que je me sens plus proche encor des choses.
    Je sais quel long travail tient l'ovaire des roses,
    Comment la sauterelle au creux des rochers bleus
    Appelle le soleil pour caresser ses neufs
    Et pourquoi l'araignée, en exprimant sa moelle,
    Protège ses petits d'un boursicot de toile.
    Je sais quels yeux la biche arrête sur son faon,
    Tellement notre...

  • Je suis née au milieu du jour,
    La chair tremblante et l'âme pure,
    Mais ni l'homme ni la nature
    N'ont entendu mon chant d'amour.

    Depuis, je marche solitaire,
    Pareille à ce ruisseau qui fuit
    Rêveusement dans les fougères
    Et mon coeur s'éloigne sans bruit.

  • Beauté, dans ce vallon étends-toi blanche et nue
    Et que ta chevelure alentour répandue
    S'allonge sur la mousse en onduleux rameaux ;
    Que l'immatérielle et pure voix de l'eau,
    Mêlée au bruit léger de la brise qui pleure,
    Module doucement ta plainte intérieure.
    Une souple lumière à travers les bouleaux
    Veloute ta blancheur d'une ombre claire et molle ;...

  • Mais je suis belle d'être aimée,
    Vous m'avez donné la beauté,
    Jamais ma robe parfumée
    Sur la feuille ainsi n'a chanté,
    Jamais mon pas n'eut cette grâce
    Et mes yeux ces tendres moiteurs
    Qui laissent les hommes rêveurs
    Et les fleurs même, quand je passe.

  • Jusqu'au ciel d'azur gris le pré léger s'élève
    Comme une route fraîche inconnue aux vivants ;
    La mouillure de l'herbe et de la jeune sève

    Répand dans l'air rêveur son haleine d'argent.
    Sur les bords de ce pré le bouleau se balance
    Avec le merisier profond dans ses rameaux
    Où des moineaux dorés sautillent en silence
    Comme aux pures saisons d'un...