• Comme petits enfants d'une larve outrageuse,
    D'un fantôme, ou d'un masque, ainsi nous avons peur,
    Et redoutons ta mort, la concevant au coeur
    Telle comme on la fait, hâve, triste, et affreuse :

    Comme il plaît à la main ou loyale, ou trompeuse
    Du graveur, du tailleur, ou du peintre flatteur
    La nous représenter sur un tableau menteur,
    Nous l'...

  • Le temps ne bouge point et jamais ne repose,
    La vie instable fuit et ne chemine pas,
    Fortune escrime et bat sans remuer les bras,
    Le monde nous dépêche et n'en savons la cause.

    L'ami avec l'ami se trompe à lèvre close,
    La chair sans le sentir consomme nos ébats,
    Languissant sans secours le coeur chet au trépas,
    Et la nuit à nos yeux effroyable s'...

  • J'ay voulu voyager, à la fin le voyage
    M'a fait en ma maison mal content retirer.
    En mon estude seul j'ay voulu demeurer,
    En fin la solitude a causé mon dommage.

    J'ay volu naviguer, en fin le navigage
    Entre vie et trespas m'a fait desesperer.
    J'ay voulu pour plaisir la terre labourer,
    En fin j'ay mesprisé l'estat du labourage.

    J'ay...

  • Notre vie est semblable à la lampe enfumée,
    Aux uns le vent la fait couler soudainement,
    Aux autres il l'éteint d'un subit soufflement
    Quand elle est seulement à demi allumée,

    Aux autres elle luit jusqu'au bout consumée,
    Mais, en fin, sa clarté cause son brûlement :
    Plus longuement elle art, plus se va consumant,
    Et sa faible lueur ressemble à sa...

  • Le malade affligé de la palle jaunisse
    Treuve le miel amer, le fievreux tremblotant
    Au fort de son exces va le flot souhaitant.
    Preferant l'appetit à la santé propice :

    Ainsi le fol mondain corrompu en son vice
    De la loy du Seigneur l'amour ne va goustant :
    Il court à son contraire et le salut attend
    Du vipere infernal qui le meine au supplice....

  • Les poissons escaillez aiment les moites eaus,
    Les fleuves et les lacs : les animaus sauvages
    Aiment les bois touffus, les creus et les boccages.
    Et l'air dous et serain est aimé des oiseaus :

    Les grillons babillars aiment l'email des preaus
    S'esgayant au Printems parmi le verd herbage,
    Les lesars et serpens envenimez de rage
    Aiment des murs...

  • Cet océan battu de tempête et d'orage
    Me venant à dédain et le dévoiement
    De mon faible estomac prompt au vomissement
    Me faisait déjà perdre et couleur et courage,

    Quand, pour me délivrer des périls du naufrage,
    D'un plus petit bateau je passai vitement
    Dans un vaisseau plus grand, tenant assurément
    Que plus sûr et gaillard je viendrais au rivage...

  • Quant bien un homme droit condamné par la rage
    Des calomniateurs sur l'eschaffaut sanglant
    Verroit choir sur son col le coutelas tremblant,
    Joüant devant le monde un triste personnage :

    N'estime pour autant d'un jugement peu sage
    Son deces mal-heureus : tel dans un lit branslant
    Va l'ame entre les siens doucement exalant,
    Qui porte l'infamie...

  • Où pourra-t-on trouver en ce val de misère
    Un lieu tant arrêté dont tu ne chèses bas,
    Considérant d'Héli l'inopiné trépas,
    Mourant en sa maison assis sur une chaire ?

    C'est faute de raison quand, timide, on révère
    Le monde déguisé dont les gluants appas
    Quelque fâcheux tourment ont toujours à leurs pas
    Qui sont commencement de honte et vitupère....

  • L'enfance n'est sinon qu'une stérile fleur,
    La jeunesse qu'ardeur d'une fumière* vaine,
    Virilité qu'ennui, que labeur, et que peine,
    Vieillesse que chagrin, repentance, et douleur ;

    Nos jeux que déplaisirs, nos bonheurs que malheur,
    Nos trésors et nos biens que tourment et que gêne,
    Nos libertés que lacs, que prisons, et que chaîne
    Notre aise que...