• C’est toi, dénaturée ! Oui, te voilà, c’est toi
    Qui fis taire ton cœur pour écouter ta foi,
    Qui, pour gagner ton ciel de larve et de chouette,
    Foulas ton âme aux pieds, mère sourde-muette,
    Et qui, lorsque ton fils se couchait en travers
    De ta porte, pleurant et les deux bras ouverts,
    Marchas sur ton enfant pour entrer dans le cloître.

    Quand l’amour...

  • VI

    Quoi ! parce que Vinoy, parce que Billioray
    Sont dans le faux, il sied que tout soit hors du vrai !
    Il faut tuer Duval puisqu'on tua Lecomte !
    A ce raisonnement vous trouvez votre compte,
    Et cet autre argument vous parait sans rival :
    Il faut tuer Bonjean puisqu'on tua Duval !
    On méprisait l'affreux talion ; on l'estime....

  •  
    Ici des machines qui parlent, là des bêtes qu’on adore[1].
    VOLTAIRE, l’Ingénu.

    Tandis qu’en mon grenier, rongeant ma plume oisive,
    Je poursuis en pestant la rime fugitive,
    Que vingt pamphlets nouveaux, provoquant mon courroux,
    Loin d’échauffer ma veine,...

  •  
    *

    Les dieux ont dit entre eux : — Nous sommes la matière,
    Les dieux. Nous habitons l'insondable frontière
    Au delà de laquelle il n'est rien ; nous tenons
    L'univers par le mal qui règne sous nos noms,
    Par la guerre, euménide éparse, par l'orgie
    Chantante, dans la...

  •  
    L'homme est humilié de son lot ; il se croit
    Fait pour un ciel plus pur, pour un sort moins étroit ;
    L'homme ne trouve pas de sa dignité d'être
    Malade, las, souffrant, errant sans rien connaître,
    Pareil au bœuf qui mange, au bouc qui s'assouvit,
    Poudreux d'un pas qu'il fait, souillé d'un jour qu'il vit,
    Fatigué du seul poids de l'heure vaine, esclave...

  • XXV

    Ne vous effrayez pas, douce mère inquiète
    Dont la bonté partout dans la maison s’émiette,
    De le voir si petit, si grave et si pensif.
    Comme un pauvre oiseau blanc qui, seul sur un récif,
    Voit l’océan vers lui monter du fond de l’...

  •  
    Elle est la terre, elle est la plaine, elle est le champ.
    Elle est chère à tous ceux qui sèment en marchant ;
    Elle offre un lit de mousse au pâtre ;
    Frileuse, elle se chauffe au soleil éternel,
    Rit, et fait cercle avec les planètes du ciel
    Comme des sœurs autour de l'âtre.

    Elle aime le rayon propice aux blés mouvants,
    Et l'assainissement...

  • La terre a vu jadis errer des paladins ;
    Ils flamboyaient ainsi que des éclairs soudains,
    Puis s’évanouissaient, laissant sur les visages
    La crainte, et la lueur de leurs brusques passages ;
    Ils étaient, dans des temps d’oppression, de deuil,
    De honte, où l’infamie étalait son orgueil,
    Les spectres de l’honneur, du droit, de la justice ;
    Ils...

  • Le dôme obscur des nuits, semé d'astres sans nombre,
    Se mirait dans la mer resplendissante et sombre ;
    La riante Stamboul, le front d'étoiles voilé,
    Semblait, couchée au bord du golfe qui l'inonde,
    Entre les feux du ciel et les reflets de l'onde,
    Dormir dans un globe étoilé.
    On eût dit la cité dont les esprits nocturnes
    Bâtissent dans les airs les...

  •  
    Une montagne emplit tout l'horizon des hommes ;
    L'Olympe. Pas de ciel. Telle est l'ombre où nous sommes.
    L'orgueil, la volupté féroce aux chants lascifs,
    La guerre secouant des éclairs convulsifs,
    La splendide Vénus, nue, effrayante, obscure,
    Le meurtre appelé Mars, le vol nommé Mercure,
    L'inceste souriant, ivre, au sinistre hymen,
    Le parricide...