• Les hommes d’aujourd’hui qui sont nés quand naissait
    Ce siècle, et quand son aile effrayante poussait,
    Ou qui, quatre-vingt-neuf dorant leur blonde enfance,
    Ont vu la rude attaque et la fière défense,
    Et pour musique ont eu les noirs canons béants,
    Et pour jeux de grimper aux genoux des géants ;
    Ces enfants qui jadis, traînant des cimeterres,
    Ont vu...

  • Un jour, Kanut, à l’heure où l’assoupissement
    Ferme partout les yeux sous l’obscur firmament,
    Ayant pour seul témoin la nuit, l’aveugle immense,
    Vit son père Swéno, vieillard presque en démence,
    Qui dormait, sans un garde à ses pieds, sans un chien ;
    Il le tua, disant : « Lui-même n’en sait rien. »
    Puis il fut un grand roi.

    ...

  • V

    Je ne fais point fléchir les mots auxquels je crois ;
    Raison, progrès, honneur, loyauté, devoirs, droits.
    On ne va point au vrai par une route oblique.
    Sois juste ; c'est ainsi qu'on sert la république ;
    Le devoir envers elle est l'équité pour tous ;
    Pas de colère ; et nul n'est juste s'il n'est doux.
    La Révolution est...

  • XVI

    C’était un grand château du temps de Louis treize.
    Le couchant rougissait ce palais oublié.
    Chaque fenêtre au loin, transformée en fournaise,
    Avait perdu sa forme et n’était plus que braise.
    Le toit disparaissait dans les rayons...

  •  
    Le père a souffleté le fils.

                                                Tous deux sont grands.
    Don Ascagne est le fils. Nager dans les torrents,
    Dompter l'ours, être un comte âpre et dur comme un rustre,
    Ce furent là les mœurs de son enfance illustre ;
    Il étonnait les monts où l'éclair retentit
    Par la grandeur des pas qu'il faisait tout petit ;...

  •  
    Pourquoi ne pas aller tout de suite à la mort ?
    Quoi ! Vieillir pour avoir un peu plus de remord
    À l’heure où Dieu videra l’âme !
    Qu’attends-tu pour venir dans nos lits froids et noirs,
    Ô blême épouse, ô Nuit, dont tous nos désespoirs
    Hélas ! Chantent l’épithalame ?

    Pourquoi ne pas finir ? Pleurer des pleurs de sang !
    Vivre ! Quoi ! Le poison...

  • Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
    Le logis est plein d’ombre, et l’on sent quelque chose
    Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
    Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
    Au fond, dans l’encoignure où quelque humble vaisselle
    Aux planches d’un bahut vaguement étincelle,

    On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
    ...

  • IX

    Poète, ta fenêtre était ouverte au vent,
    Quand celle à qui tout bas ton cœur parle souvent
    Sur ton fauteuil posait sa tête :
    "Oh ! disait-elle, ami, ne vous y fiez pas !
    Parce que maintenant, attachée à vos pas,
    Ma vie à votre...

  • Pendant que la mer gronde et que les vagues roulent,
    Et que sur l’horizon les tumultes s’écroulent,
    Ce veilleur, le poète, est monté sur sa tour.

    Ce qu’il veut, c’est qu’enfin la concorde ait son tour.

    Jadis, dans les temps noirs comme ceux où nous sommes,
    Le poète pensif ne se mêlait aux hommes
    Que pour les désarmer et leur verser son cœur ;
    Il...

  •  
    L’ombre ici-bas la moins transparente, c’est l’âme.

    L’homme est l’énigme étrange et triste de la femme,
    Et la femme est le sphinx de l’homme. Sombre loi !
    Personne ne connaît mon gouffre, excepté moi.
    Et moi-même, ai-je été jusqu’au fond ? Mon abîme
    Est sinistre, surtout par le côté sublime ;
    Et l’hydre est là, tenant mon âme, et la mordant.
    ...