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    Atlas porte le monde, et, les poings sur les reins,
    Suant, le front plissé, le sang à la narine ;
    Il pleure, et dans le creux de sa grande poitrine
    Appuie en gémissant sa barbe aux rudes crins.

    « Debout ! forgez des socs, des leviers et des freins !
    Crie Atlas aux mortels que le travail chagrine ;
    Les bêtes, les forêts, les champs et l’eau marine,...

  • Vos premières saisons à peine sont écloses,
    Enfant, et vous avez déjà vu plus de choses
    Qu’un vieillard qui trébuche au seuil de son tombeau.
    Tout ce que la nature a de grand et de beau,
    Tout ce que Dieu nous fit de sublimes spectacles,
    Les deux mondes ensemble avec tous leurs miracles.
    Que n’avez-vous pas vu ? les montagnes, la mer,
    La neige et les...

  • L’ennui de vivre avec les gens et dans les choses
    Font souvent ma parole et mon regard moroses.

    Mais d’avoir conscience et souci dans tel cas
    Exhausse ma tristesse, ennoblit mon tracas.

    Alors mon discours chante et mes yeux de sourire
    Où la divine certitude s’en vient luire.

    Et la divine patience met son sel
    Dans mon long bon conseil d’usage...

  • Cette femme du monde,
              Pâle et blonde,
    Qu’on voit d’un pas pressé,
              L’œil baissé,
    Filer sous les grands arbres
              Loin des marbres,
    Héros, Amours, Bergers,
              Trop légers,
    S’en va vers un coin sombre
              Voilé d’ombre,
    Derrière les massifs
              De vieux ifs.
    Sans manteau qui la...

  •  
    Dans les yeux de l’Humanité
    La Douleur va mirer ses charmes.
    Tous nos rires, tous nos vacarmes
    Sanglotent leur inanité !

    En vain l’orgueil et la santé
    Sont nos boucliers et nos armes,
    Dans les yeux de l’Humanité
    La Douleur va mirer ses charmes.

    Et l’inerte Fatalité
    Qui se repaît de nos alarmes,
    Sourit à l’océan de larmes...

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    Newton, voyant tomber la pomme,
    Conçut la matière et ses lois :
    Oh ! surgira-t-il une fois
    Un Newton pour l’âme de l’homme ?

    Comme il est dans l’infini bleu
    Un centre où les poids se suspendent,
    Ainsi toutes les âmes tendent...

  • VII

    Que faites-vous, Seigneur ? à quoi sert votre ouvrage ?
    À quoi bon l’eau du fleuve et l’éclair de l’orage ?
    Les prés ? les ruisseaux purs qui lavent le gazon ?
    Et, sur les coteaux verts dont s’emplit l’horizon,
    Les immenses...

  •  
    Entouré de flacons, d’étranges serpentins,
    De fourneaux, de matras aux encolures torses,
    Le chimiste, sondant les caprices des forces,
    Leur impose avec art des rendez-vous certains.

    Il règle leurs amours jusque-là clandestins,
    Devine et fait agir leurs secrètes amorces,
    Les unit, les provoque à de brusques divorces,
    Et guide utilement-leurs...

  • Le monde est méchant, ma petite :
    Avec son sourire moqueur
    Il dit qu’à ton côté palpite
    Une montre en place de cœur.

    — Pourtant ton sein ému s’élève
    Et s’abaisse comme la mer,
    Aux bouillonnements de la sève
    Circulant sous ta jeune chair.

    Le monde est méchant, ma petite :
    Il dit que tes yeux vifs sont morts
    Et se meuvent dans leur...

  •  
    Le monde est un jardin de plaisir et de mort,
    Où l’ombre sous les bleus feuillages semble attendre,
    Où la rose s’effeuille avec un bruit de cendre,
    Où le parfum des lys est volontaire et fort ?

    Parmi les lys nouveaux et les roses suprêmes,
    Nous mêlons nos aveux à d’antiques sanglots…
    Le monde est le jardin où tout meurt, les pavots
    Et les...