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    RESTE. Ne t’en va pas dans le jardin du rêve
    Cueillir des fleurs de joie en la lumière d’or ;
    Leur splendeur est fragile et leur odeur est brève :
    Si ta main s’en embaume, hélas ! c’est de leur mort.

    Oui, rien qu’à les toucher ta main dure les blesse ;
    Son froid contact meurtrit leur idéalité,
    Et c’est en épargnant leur divine faiblesse
    Que...

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    IL fait du vent. Je lis. Le vent tourne la page.
    Une fraîcheur délicieuse se propage,
    Embaumée aux parfums du trèfle et du sainfoin.
    On respire l’odeur des champs qu’on ne voit point.
    Et c’est, de cette rue éblouissante et sèche,
    Comme s’il nous montait aux tempes de l’eau fraîche.
    Les arbres accablés bruissent de plaisir,
    Car ils avaient...

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    QUAND elle met ses gants, je l’aide, et c’est très long…
    Nous sommes tous les deux dans le petit salon
    Qui retient le parfum de sa robe d’automne.
    Elle me tend ses mains ; j’hésite, je tâtonne :
    Ses doigts sont délicats, fuselés, élégants !
    Je les baise à loisir, quand je lui mets ses gants !
    Je prolonge ― elle est bonne et tendre ― ce manège,...

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    GARDE un beau rêve sous ton front, garde une étoile
    Pour tous les cieux ;
    Que la pure clarté de ton cœur se dévoile
    Dans tes deux yeux.

    Dans ta mémoire garde un long parfum des choses
    Qui t’ont charmé,
    Et que ton âme soit comme un jardin de roses
    Tout embaumé.

    Et garde, musical encore à tes oreilles,
    Le bruit des eaux,
    Des...

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             LES tics-tacs hâtifs des pendules
             Se répondent dans la maison
    Tranquille, où par la vitre entre le crépuscule,
             Naissant, là-bas, à l’horizon.

             Le silence s’aggrave d’ombre,
             L’intimité s’approfondit
    De tout le charme triste et doux que la pénombre
             Avec mystère répandit.

             ...

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    UNE à une, le long du jour passent les Heures,
    Semblables et pourtant différentes chacune ;
    Aux feux d’or du soleil, aux feux bleus de la lune,
    Leur cortège infini traverse nos demeures.

    Chantant un air égal sur des notes mineures,
    Chacune emporte un peu de notre âme, et plus d’une
    S’en retourne chargée...

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    MALGRÉ tous les soucis caché, toutes les peines
    Dont s’affole son cœur misérable et lassé,
    L’homme en lui voit surgir des lueurs souveraines,
    Astre allumé par Dieu, sur sa douleur dressé.

    L’idéal lumineux de ses grands rayons calmes
    L’embrase avec douceur, intérieurement ;
    Il entend des chansons, il voit flotter des palmes
    Et son esprit guidé...

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    JE me confie au Rêve accueillant, dont les yeux
    Sont si grands qu’on y voit l’azur de tous les cieux,
    Dont les mains de caresse ineffable sont pures,
    Dont les pieds de blancheur ignorent les souillures,
    Et dont la voix, muette harmonie, entre au cœur
    Comme un vent frais chargé de grâce et de douceur !
    Oh ! quand le soir, devant le jour bleu qui...

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    JE me consolerai par la grâce des choses
    Qui sont belles à voir, douces à respirer,
    Par la couleur du ciel et le parfum des roses,
    Et le charme des yeux qui n’ont pas fait pleurer.

    Je regarde ma vitre avec un plaisir calme ;
    Un fin jardin d’argent y fleurit pour un jour :
    Autour d’un arbre clair s’entrecroisent des palmes,
    Des calices givrés...

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    IL y a bien longtemps que j’attends, sans savoir…
    Depuis qu’une âme en moi respire, chante ou pleure,
    J’écoute s’approcher, joyeux ou triste, l’heure
    Qui bénira mon rêve ou tuera mon espoir !

    Qu’est-ce donc ? Ah ! mon cœur est comme un grand trou noir !
    Seule, l’incertitude anxieuse y demeure.
    Mais qu’un peu de lumière efficace l’effleure,
    J’...