• À présent voici comme une prière,
    et c’est la vie d’ici qui dit son temps
    selon le soleil, le jour et la mer,
    et les villes où l’aller des passants

    montre chacun œuvrant à sa manière :
    seigneur à cheval, à pied paysan,
    et pour les fins de l’âme ou de la chair
    moines, matelots, pêcheurs, tisserands....

  •  
    Quand j’étais tout enfant, ma bouche
    Ignorait un langage appris :
    Du fond de mon étroite couche
    J’appelais les soins par des cris ;

    Ma peine était la peur cruelle
    De perdre un jouet dans mes draps,
    Et ma convoitise était...

  • X

    Comme dans les étangs assoupis sous les bois,
    Dans plus d’une âme on voit deux choses à la fois,
    Le ciel, qui teint les eaux à peine remuées
    Avec tous ses rayons et toutes ses nuées,
    Et la vase, — fond morne, affreux, sombre et dormant...

  • Comme un chant de cloche pour les vêpres douces
    s’arrête doucement sur la colline en mousse
    près d’une tourterelle aux pattes roses,
    mon âme qui chante auprès de vous se pose.

    Comme un lis blanc au jardin du vieux presbytère
    se parfume doucement par la douceur des pluies,
    par votre douceur, qui est une rosée de taillis,
    mon âme triste et douce comme...

  •  
    Comme un fruit au printemps et dans sa fleur se noue,
    Ainsi notre âme à l'heure où le matin s'y joue ;
    Les fruits sont dès avril ce qu'ils seront plus tard ;
    Tels nous-mêmes : l'enfant renferme le vieillard.
    On connaît les efforts de l'humaine culture,
    Et comme elle est savante à changer la nature ;
    Mais nos cœurs et les fruits, pareils en leurs...

  • Comme un insecte, la faucheuse mécanique
    parcourt le foin. Son cliquetis irrégulier
    semble accroître la torpeur qui se communique
    à la vigne et à l’horloge de l’escalier.
    Laissez-moi ne penser à rien. C’est un ennui
    que de n’entendre parler que d’appendicite,
    de Nietzsche, de la Vie, d’on ne sait quoi ensuite.
    Les cornes des beaux bœufs luisent...

  •  

    Comme une herbe sans eau, comme une fleur aride
    Qui s’éteint sans parfums sous les feux de l’été,
    Mon âme, loin de toi, mon âme est morne et vide :
              En te quittant j’ai tout quitté !

    La ville et ses splendeurs, la nature et ses charmes,
    Rien n’a rendu le calme à ce cœur tourmenté.
    Mon front est sans pensée et mon œil est sans larmes :...

  •  
    J’ai beau comme un imbécile
    Regarder dans ma maison,
    Si bien qu’on dit dans la ville
    Que j’ai perdu la raison,

    J’ai beau chercher ; elle est morte.
    Elle ne reviendra pas.
    Elle est partie, et la porte
    Est encore ouverte, hélas !

    Je tressaille quand on sonne.
    Je l’attends, j’en fais l’aveu.
    Où sont ces beaux jours d’automne...

  • J’avais peiné comme Sisyphe
    Et comme Hercule travaillé
    Contre la chair qui se rebiffe.

    J’avais lutté, j’avais baillé
    Des coups à trancher des montagnes,
    Et comme Achille ferraillé.

    Farouche ami qui m’accompagnes,
    Tu le sais, courage païen,
    Si nous en fîmes des campagnes,

    Si nous avons négligé rien
    Dans cette guerre exténuante,...

  • En l’an du Christ quinze cent treize,
    Un jour, la Discorde & le Vent,
    Par la Beauce, tout à leur aise
    Cheminaient, au soleil levant.
    Devisant ensemble ; ils arrivent
    Dans la ville de Chartres ; puis,
    Après vingt cercles qu’ils décrivent,
    Ils prennent la Ruelle-au-Puits
    Qui longe, en étroite spirale,
    Le flanc nord de la cathédrale...