• Poètes à venir, qui saurez tant de choses,
    Et les direz sans doute en un verbe plus beau,
    Portant plus loin que nous un plus large flambeau
    Sur les suprêmes fins et les premières causes ;

    Quand vos vers sacreront des pensers grandioses,
    Depuis longtemps déjà nous serons au tombeau ;
    Rien ne vivra de nous qu'un terne et froid lambeau
    De notre oeuvre...

  • Toi qui m'entends sans peur te parler de la mort,
    Parce que ton espoir te promet qu'elle endort
    Et que le court sommeil commencé dans son ombre
    S'achève au clair pays des étoiles sans nombre,
    Reçois mon dernier voeu pour le jour où j'irai
    Tenter seul, avant toi, si ton espoir dit vrai.

    Ne cultive au-dessus de mes paupières closes
    Ni de grands dahlias,...

  • Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
    Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,
    Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
    A des neiges d'avril qui croulent au soleil ;
    Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
    Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.
    Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
    Le plonge, le...

  • Ici-bas tous les lilas meurent,
    Tous les chants des oiseaux sont courts ;
    Je rêve aux étés qui demeurent
    Toujours...

    Ici-bas les lèvres effleurent
    Sans rien laisser de leur velours ;
    Je rêve aux baisers qui demeurent
    Toujours...

    Ici-bas tous les hommes pleurent
    Leurs amitiés ou leurs amours ;
    Je rêve aux couples qui demeurent
    ...

  • Enfant sur la terre on se traîne,
    Les yeux et l'âme émerveillés,
    Mais, plus tard, on regarde à peine
    Cette terre qu'on foule aux pieds.

    Je sens déjà que je l'oublie,
    Et, parfois, songeur au front las,
    Je m'en repens et me rallie
    Aux enfants qui vivent plus bas.

    Détachés du sein de la mère,
    De leurs petits pieds incertains
    Ils vont...

  • J'ai salué le jour dès avant mon réveil ;
    Il colorait déjà ma pesante paupière,
    Et je dormais encor, mais sa rougeur première
    A visité mon âme à travers le sommeil.

    Pendant que je gisais immobile, pareil
    Aux morts sereins sculptés sur les tombeaux de pierre,
    Sous mon front se levaient des pensers de lumière,
    Et, sans ouvrir les yeux, j'étais plein de...

  • à Albert Mérat

    J'ai peur d'avril, peur de l'émoi
    Qu'éveille sa douceur touchante ;
    Vous qu'elle a troublés comme moi,
    C'est pour vous seuls que je la chante.

    En décembre, quand l'air est froid,
    Le temps brumeux, le jour livide,
    Le coeur, moins tendre et plus étroit,
    Semble mieux supporter son vide.

    Rien de joyeux dans la saison...

  • En souvenir je m'aventure
    Vers les jours passés où j'aimais,
    Pour visiter la sépulture
    Des rêves que mon coeur a faits.

    Cependant qu'on vieillit sans cesse,
    Les amours ont toujours vingt ans,
    Jeunes de la fixe jeunesse
    Des enfants qu'on pleure longtemps.

    Je soulève un peu les paupières
    De ces chers et douloureux morts ;
    Leurs yeux...

  • En mars, quand s'achève l'hiver,
    Que la campagne renaissante
    Ressemble à la convalescente
    Dont le premier sourire est cher ;

    Quand l'azur, tout frileux encore,
    Est de neige éparse mêlé,
    Et que midi, frais et voilé,
    Revêt une blancheur d'aurore ;

    Quand l'air doux dissout la torpeur
    Des eaux qui se changeaient en marbres ;
    Quand la...

  • La lune est grande, le ciel clair
    Et plein d'astres, la terre est blême.
    Et l'àme du monde est dans l'air.
    Je rêve à l'étoile suprême,

    A celle qu'on n'aperçoit pas,
    Mais dont la lumière voyage
    Et doit venir jusqu'ici-bas
    Enchanter les yeux d'un autre âge.

    Quand luira cette étoile, un jour,
    La plus belle et la plus lointaine,
    ...