• V

    Vous eûtes donc hier un an, ma bien-aimée.
    Contente, vous jasez, comme, sous la ramée,
    Au fond du nid plus tiède ouvrant de vagues yeux,
    Les oiseaux nouveau-nés gazouillent, tout joyeux
    De sentir qu'il commence à leur pousser des plumes.
    Jeanne, ta bouche est rose ; et dans les gros vo1umes
    Dont les images font ta joie,...

  •  
    Je regardai.

                             Je vis, tout près de la croisée,
    Celui par qui la pierre avait été lancée ;
    Il était jeune ; encor presque un enfant, déjà
    Un meurtrier.

                               Jeune homme, un dieu te protégea,
    Car tu pouvais tuer cette pauvre petite !
    Comme les sentiments humains s'écroulent vite
    Dans les cœurs...

  • Jeanne chante ; elle se penche
    Et s'envole ; elle me plaît ;
    Et, comme de branche en branche,
    Va de couplet en couplet.

    De quoi donc me parlait-elle ?
    Avec sa fleur au corset,
    Et l'aube dans sa prunelle,
    Qu'est-ce donc qu'elle disait ?

    Parlait-elle de la gloire,
    Des camps, du ciel, du drapeau,
    Ou de ce qu'il faut de moire...

  • Jeanne songeait, sur l'herbe assise, grave et rose ;
    Je m'approchai : - Dis-moi si tu veux quelque chose,
    Jeanne ? - car j'obéis à ces charmants amours,
    Je les guette, et je cherche à comprendre toujours
    Tout ce qui peut passer par ces divines têtes.
    Jeanne m'a répondu : -je voudrais voir des bêtes.
    Alors je lui montrai dans l'herbe une fourmi.
    Vois ! - Mais...

  • Jeanne parle ; elle dit des choses qu'elle ignore ;
    Elle envoie à la mer qui gronde, au bois sonore,
    A la nuée, aux fleurs, aux nids, au firmament,
    A l'immense nature un doux gazouillement,
    Tout un discours, profond peut-être, qu'elle achève
    Par un sourire où flotte une âme, où tremble un rêve,
    Murmure indistinct, vague, obscur, confus, brouillé.
    Dieu, le...

  • L'oiseau chante ; je suis au fond des rêveries.

    Rose, elle est là qui dort sous les branches fleuries,
    Dans son berceau tremblant comme un nid d'alcyon,
    Douce, les yeux fermés, sans faire attention
    Au glissement de l'ombre et du soleil sur elle.
    Elle est toute petite, elle est surnaturelle.
    Ô suprême beauté de l'enfant innocent !
    Moi je pense,...

  • Ces lieux sont purs ; tu les complètes.
    Ce bois, loin des sentiers battus,
    Semble avoir fait des violettes,
    Jeanne, avec toutes tes vertus.

    L'aurore ressemble à ton âge ;
    Jeanne, il existe sous les cieux
    On ne sait quel doux voisinage
    Des bons coeurs avec les beaux lieux.

    Tout ce vallon est une fête
    Qui t'offre son humble bonheur...

  • Moi qu'un petit enfant rend tout à fait stupide,
    J'en ai deux ; George et Jeanne ; et je prends l'un pour guide
    Et l'autre pour lumière, et j'accours à leur voix,
    Vu que George a deux ans et que Jeanne a dix mois.
    Leurs essais d'exister sont divinement gauches ;
    On croit, dans leur parole où tremblent des ébauches,
    Voir un reste de ciel qui se dissipe et fuit...

  • Ma Jeanne, dont je suis doucement insensé,
    Étant femme, se sent reine ; tout l'A B C
    Des femmes, c'est d'avoir des bras blancs, d'être belles,
    De courber d'un regard les fronts les plus rebelles,
    De savoir avec rien, des bouquets, des chiffons,
    Un sourire, éblouir les coeurs les plus profonds,
    D'être, à côté de l'homme ingrat, triste et morose,
    Douces...

  • Vous eûtes donc hier un an, ma bien-aimée.
    Contente, vous jasez, comme, sous la ramée,
    Au fond du nid plus tiède ouvrant de vagues yeux,
    Les oiseaux nouveau-nés gazouillent, tout joyeux
    De sentir qu'il commence à leur pousser des plumes.
    Jeanne, ta bouche est rose ; et dans les gros volumes
    Dont les images font ta joie, et que je dois,
    Pour te plaire,...