• Mortel pense quel est dessous la couverture
    D’un charnier mortuaire un cors mangé de vers,
    Descharné, desnervé, où les os descouvers,
    Depoulpez, desnouez, delaissent leur jointure :

    Icy l’une des mains tombe de pourriture,
    Les yeux d'autre costé destournez à l’envers
    Se distillent en glaire, et les muscles divers
    Servent aux vers goulus d’ordinaire...

  • Toutes les nuits je ne pense qu'en celle
    Qui a le corps plus gent qu'une pucelle
    De quatorze ans, sur le point d'enrager,
    Et au dedans un coeur (pour abréger)
    Autant joyeux qu'eut oncque damoiselle.

    Elle a beau teint, un parler de bon zèle,
    Et le tétin rond comme une groselle :
    N'ai-je donc pas bien cause de songer
    Toutes les nuits ?

    ...

  • Quand je pense à ce jour, où je la vey si belle
    Toute flamber d'amour, d'honneur et de vertu,
    Le regret, comme un trait mortellement pointu,
    Me traverse le coeur d'une playe eternelle.

    Alors que j'esperois la bonne grace d'elle,
    L'Amour a mon espoir que la Mort combattu :
    La Mort a mon espoir d'un cercueil revestu,
    Dont j'esperois la paix de ma longue...

  • J'ai dit à mon désir : pense à te bien guider,
    Rien trop bas, ou trop haut, ne te fasse distraire.
    Il ne m'écouta point, mais jeune et volontaire,
    Par un nouveau sentier se voulut hasarder.

    Je vis le ciel sur lui mille orages darder,
    Je le vis traversé de flamme ardente et claire,
    Se plaindre en trébuchant de son vol téméraire,
    Que mon sage...

  • Quand quelquefois je pense à ma première vie
    Du temps que je vivais seul roi de mon désir,
    Et que mon âme libre errait à son plaisir,
    Franche d'espoir, de crainte, et d'amoureuse envie :

    Je verse de mes yeux une angoisseuse pluie,
    Et sens qu'un fier regret mon esprit vient saisir,
    Maudissant le destin qui m'a fait vous choisir,
    Pour rendre à tant...

  • Songeant la nuit, bien souvent je pense être
    Auprès de toi couché certainement,
    Et les beautés qu'en toi le ciel fit naître
    Tâter, baiser, embrasser nuëment.

    Comme un plaisir acquis en un moment
    Passe, léger, et se voit disparaître,
    Mon songe ainsi s'enfuit soudainement,
    Me laissant seul et non toutefois maître,

    Car à l'instant les...

  • Ne pense pas, Bouju, que les nymphes latines
    Pour couvrir leur traïson d'une humble privauté,
    Ni pour masquer leur teint d'une fausse beauté,
    Me fassent oublier nos nymphes angevines.

    L'angevine douceur, les paroles divines,
    L'habit qui ne tient rien de l'impudicité,
    La grâce, la jeunesse et la simplicité
    Me dégoûtent, Bouju, de ces vieilles...