• Las ! cettui jour, pourquoi l'ai-je dû voir,
    Puisque ses yeux allaient ardre mon âme ?
    Doncques, Amour, faut-il que par ta flamme
    Soit transmué notre heur en désespoir !

    Si on savait d'aventure prévoir
    Ce que vient lors, plaints, poinctures et blâmes ;
    Si fraîche fleur évanouir son bâme
    Et que tel jour fait éclore tel soir ;

    Si on savait la...

  • Ô belle Nuit, tu es évanouie,
    Où sont logés tes chevaux furieux
    Qui brunissaient d'une haleine obscurcie
    Les monts, les vaux, les plaines et les cieux ?
    Las où es-tu, Ténèbre gracieux,
    Et vous Jupins qui souliez me conduire,
    Donnez secours à mon mal ennuyeux,
    Car sous votre ombre à son bien il aspire.

    Ô liberté trop chèrement vendue,
    Autre...

  • Une belle lingère, au son de mes soupirs
    Cruelle, allait taillant de linoupe une fraise.
    Je mourais de désir, elle était à son aise
    De m'ouïr soupirer et avaler mes cris.

    Je lui disais ainsi : " Lingère qui m'as pris,
    Lingère qui me fais du sein une fournaise,
    Éteins ce feu ardent belle, si tu l'apaise,
    Je te promets, mon coeur, de mon amour le...

  • L'amour, panique
    De la raison,
    Se communique
    Par le frisson.

    Laissez-moi dire,
    N'accordez rien.
    Si je soupire,
    Chantez, c'est bien.

    Si je demeure,
    Triste, à vos pieds,
    Et si je pleure,
    C'est bien, riez.

    Un homme semble
    Souvent trompeur.
    Mais si je tremble,
    Belle, ayez peur.

  • Sus, gants, allez couvrir la main gentille et belle
    De celle-là qui est cause de ma douleur,
    Défendez-la du vent, du froid, de la chaleur,
    Et que tout votre mieux soit employé pour elle.

    Vrai est que je voudrais pour une Nymphe telle
    Une peau plus subtile et de rare valeur,
    Car bien que votre peau soit une peau de fleur,
    Elle n'est pas pourtant...

  • Ma belle un jour dessus son lit j'approche
    Qui me baisant là sous moi frétillait
    Et de ses bras mon col entortillait
    Comme un Lierre une penchante Roche.

    Au fort de l'aise et la pâmoison proche
    Il me sembla que son oeil se fermait,
    Qu'elle était froide et qu'elle s'endormait
    Dont courroucé je lui fis ce reproche :

    Vous dormez donc !...

  • Devant les dieux de clémence et concorde
    Et devant toi, fille non comparable,
    De qui mon âme attend miséricorde,
    Je fais un voeu solennel et durable.
    Que la grand' grâce en ton corps admirable
    Ne me fait point poursuivre ta merci,
    Non ta beauté sur Hélène exemplable,
    Non ta maison, non ta richesse aussi ;
    Mais tes vertus sans plus me font transi...

  • Belle lune d'argent, j'aime à te voir briller
    Sur les mâts inégaux d'un port plein de paresse,
    Et je rêve bien mieux quand ton rayon caresse,
    Dans un vieux parc, le marbre où je viens m'appuyer.

    J'aime ton jeune éclat et tes beautés fanées,
    Tu me plais sur un lac, sur un sable argentin,
    Et dans la vaste nuit de la plaine sans fin,
    Et dans mon cher Paris...

  • Durant la belle nuit, dont mon ame ravie
    Preferoit les clartez à celles d'un beau jour,
    J'escoutois murmurer, au milieu de la Cour,
    Mille voix de loüange, et mille autres d'envie.

    Je ne sçay quelles morts plus douces que la vie,
    Faisoient sentir aux coeurs les charmes de l'Amour ;
    Et de mille beautez qui brilloient à l'entour,
    L'un tenoit pour...

  • Carite l'autre jour si pompeuse et si belle,
    De la terre, et du Ciel montroit tous les tresors ;
    Quand je me laissay vaincre aux amoureux transports,
    Qui m'en firent pretendre une faveur nouvelle.

    Mais j'en fus repoussé d'une main si cruelle,
    Et d'un si rude coup je sentis les efforts,
    Que mon ombre craintive erra parmy les morts,
    Preste à passer...