• L’aïeul, tranquille à l’ombre, aime à lire un vieux livre,
    Quand le soleil du soir empourpre l’horizon ;
    L’active ménagère ordonne sa maison,
    Et se mire, en passant, dans les grands plats de cuivre ;

    Il faut aux bruns enfants que la chaleur enivre
    Des fruits qu’on se dispute assis sur le gazon ;
    Quand viennent les amis, dans la froide saison,
    Il leur...

  • Le soir, lorsque le vent qui souffle des prairies
    Emporte les parfums des luzernes fleuries,
    L’odeur des chênes verts et les senteurs des blés,
    Les cœurs les plus prudents se sont sentis troublés ;
    L’invincible besoin d’aimer qui nous tourmente
    Fait que les moins hardis désirent une amante ;
    Les corps tremblent, saisis de troubles inconnus.
    Les femmes...

  • Dans le ciel du couchant, délicat, tendre et clair,
    Une étoile faisait trembler sa douce flamme,
    Et tes yeux souriants et calmes avaient l’air
    De laisser transparaître et luire ta chère âme.

    Dans ton petit jardin nous marchions pas à pas,
    Et moi je savourais l’émotion profonde
    De sentir sur mon bras s’abandonner ton bras.
    Oh ! dis ! — nous croyais-tu...

  • Tu marchais tout en noir, avec un voile bleu.
    Tes cheveux blonds flottaient, rejetés en arrière ;
    Et le soleil couchant, comme un dernier adieu,
    Laissait dans tes beaux yeux palpiter sa lumière.

    Tu courais sans m’attendre au milieu des taillis.
    Tes pieds foulaient la mousse où tu t’étais assise.
    Les profondeurs du bois, à mes yeux éblouis,
    Te...

  • Il avait la face pâlotte,
    Hors le nez, rouge au renouveau ;
    D’ailleurs ami du vin nouveau,
    Paresseux comme une marmotte.

    Quelque rayon d’humeur falotte
    Lui dansait parfois au cerveau :
    Alors il pleurait comme un veau,
    Entre son grand verre et Charlotte.

    Mais il a tant biberonné,
    Si haut chanté, si bien dîné
    Qu’il est mort « la fleur...

  • Non loin du pavillon que les fleurs ont caché,
    Les jasmins en grimpant avec le chèvrefeuille,
    Couvrent le frais berceau que nous avons cherché
    Afin que notre amour s’y tienne et s’y recueille.

    L’ombre du mur voisin vient tomber à nos pieds
    Un rayon en tremblant sur ta jupe se pose.
    Le vent derrière toi, pendant que tu t’assieds,
    Balance les lilas et...

  • Des Groënlands et des Norvèges
    Vient-elle avec Seraphita ?

    C’est un parc scandinave, aux sapins toujours verts,
    Où le vent automnal courbe les fleurs d’hivers
    Dans les vases de marbre anciens sur la terrasse ;
    Et la vierge royale en qui revit la race
    Des brumeux Suénon dont son père descend,
    L’...

  • Oh ! les longs, longs baisers sur sa bouche et ses yeux,
    La chair mordue ainsi qu’un fruit délicieux,
    Et le matin, le lent enroulement des tresses,
    Les regards échangeant leurs dernières caresses,
    Les angoisses, le soir, situ ne venais pas,
    Ou les bonds de mon cœur quand j’entendais tes pas :
    Vision du passé, pourquoi m’être apparue
    Devant les deux...

  • La pleine mer moutonne au loin sur les brisants.
    Dans les rocs qu’ont usés les flots et les jusants,
    La lame écume et bout au pied de la falaise ;
    Et, debout dans le vent, la jeune Granvillaise,
    Un bras devant les yeux, regarde à l’horizon,
    Car l’équinoxe approche et voici la saison
    Où la côte normande a le plus de naufrages ;
    Et les gens sont au large...

  • La coupe où sans regret tu versas l’affreux vin
    Reste la coupe d’or d’un échanson divin !

    La nuit qui scintillait quand nous nous séparâmes
    Reste l’ombre étoilée où montaient nos deux âmes !

    La fleur qui mourra loin de tes profonds cheveux
    Reste l’œillet béni qui servait les aveux !

    Le vent qui passe et prend le baiser qu’on oublie
    Reste le messager...