• Le soir léger, avec sa brume claire et bleue,
    Meurt comme un mot d'amour aux lèvres de l'été,
    Comme l'humide et chaud sourire heureux des veuves
    Qui rêvent dans leur chair d'anciennes voluptés.
    La ville, pacifique et lointaine, s'est tue.
    Dans le jardin pensif où descend le repos
    Frissonne avec un frais murmure un épi d'eau
    Dont la tige se rompt...

  • J'écris ; entre mon rêve et toi la lampe chante.
    Nous écoutons, muets encor de volupté,
    Voleter un phalène aveugle dans la chambre.
    Ton visage pensif est rose de clarté.

    Tu caresses les doigts que je te laisse et songes :
    " Si vraiment il m'aimait ce soir, écrirait-il ? "
    Tu soupires, tes mains tressaillent, et tes cils
    Palpitent sous tes yeux en...

  • Encore un peu ta bouche en pleurs, encore un peu
    Tes mains contre mon coeur et ta voix triste et basse ;
    Demeure ainsi longtemps, délicieuse et lasse,
    Auprès de moi, ma pauvre enfant, ce soir d'adieu.

    Les formes du jardin se fondent dans l'air bleu,
    Le vent propage en l'étouffant l'aveu qui passe ;
    L'heure semble éternelle au couple qui s'enlace,
    ...

  • Ah ! Seigneur, Dieu des coeurs robustes, répondez !
    Quel est ce temps de doute où l'homme joue aux dés
    Ses croyances, l'amour et le rêve et la gloire ?
    Il est tard ; que faut-il aimer, que faut-il croire ?
    Vacillants et plaintifs comme un peuple de joncs,
    Sous le ciel triste et nu nous vous interrogeons ;
    Notre âme sèche a soif d'une sève nouvelle.
    ...

  • Le vent est doux comme une main de femme,
    Le vent du soir qui coule dans mes doigts ;
    L'oiseau bleu s'envole et voile sa voix,
    Les lys royaux s'effeuillent dans mon âme ;

    Au clavecin s'alanguissent les gammes,
    Le soleil est triste et les coeurs sont froids ;
    Le vent est doux comme une main de femme,
    Le vent du soir qui coule dans mes doigts....

  • Il est si tard, il fait, cette nuit de novembre,
    Si triste dans mon coeur et si froid dans la chambre
    Où je marche d'un pas âpre, le front baissé,
    Arrêtant les sanglots sur mes lèvres, poussé
    Par les ressorts secrets et rudes de mon âme !

    La maison dort d'un grand sommeil, l'âtre est sans flamme ;
    Sur ma table une cire agonise. Et l'amour,
    Qui m'...

  • Je vais sur la pelouse humide de rosée,
    D'un pas léger, les yeux riants, l'âme brisée
    De tendresse, de joie indicible et d'amour.
    Le jour descend en moi comme un baiser, le jour
    Me pénètre et m'enlève à la terre. J'adore.
    Le jardin resplendit sous le ciel frais. L'aurore
    A troué les pins drus et noirs d'un rouge orteil.
    Une perle d'eau claire étincelle...

  • .....................................
    Ô poète inquiet du monde, qui médites,
    Opposant un front ferme aux grands souffles salés,
    Souviens-toi que l'amour, docile au pas de l'heure,
    Ne descend pas deux fois dans la même demeure !
    Un soir tu reviendras, sentant qu'il se fait tard,
    Au toit natal, chargé d'une âme de vieillard.
    Tes yeux verront dans les...

  • La maison dort au coeur de quelque vieille ville
    Où des dames s'en vont, lasses de bonnes oeuvres,
    S'assoupir en suivant l'office de six heures,
    Ville où le rouet gris de l'ennui se dévide.

    Dans la cour un bassin où pleurent les eaux vives
    D'avoir vu verdir les Tritons et d'être seules.
    Et la maison laisse gémir les eaux jaseuses ;
    Ses yeux sont...

  • Il fut le très subtil musicien des vents
    Qui se plaignent en de nocturnes symphonies ;
    Il nota le murmure des herbes jaunies
    Entre les pavés gris des cours d'anciens couvents.

    Il trouva sur la viole des dévots servants
    Pour ses maîtresses des tendresses infinies ;
    Il égrena les ineffables litanies
    Ou s'alanguissent tous les amoureux fervents....