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    Nuit d’ombre, nuit tragique, ô nuit désespérée !

    J’étouffe dans la chambre où mon âme est murée,
    Où je marche, depuis des heures, âprement,
    Sans pouvoir assourdir ni tromper mon tourment.
    Et j’ouvre la fenêtre au large clair de lune.
    Sur les champs nage au loin sa cendre bleue et brune.

    Comme une mélodie heureuse au dessin pur
    La colline...

  • Je te vois anxieuse et belle de pâleur ;
    Le sang fiévreux afflue et palpite à tes tempes.
    Ferme les yeux, prends-moi plus près de toi, sois tendre,
    Et que ma chair se fonde à ta bonne chaleur.

    La force du désir gonfle ta gorge en fleur ;
    Un sanglot fait mourir tes caresses plus lentes,
    Et le bruit de nos coeurs tombe au fond du silence.
    Mes lèvres...

  • Parfois, sur les confins du sommeil qui s'achève,
    A l'heure où l'âme est triste et flotte au bas du rêve,
    Un souvenir d'amour nous étreint à la gorge,
    Vivant et si profond qu'on en voudrait mourir.
    Le coeur, rempli de pleurs voluptueux, déborde ;
    On mord en sanglotant les draps, la chair sans force
    Se fond dans la langueur exquise de souffrir :
    " Mon...

  • Ô jeunesse, fervent et clair foyer d'amour,
    Tu fais au ciel l'aveu sonore de ta joie,
    Et ta flamme, luttant d'éclat avec le jour,
    Aux quatre vents, pareille à la Chimère, ondoie !

    Mais tu n'as pas plus tôt brillé de tout ton feu
    Que, prompte à dévorer le sang qui t'alimente,
    Tu languis, déjà sombre, et tu meurs, et qu'au lieu
    Où tu brûlais...

  • (villanelle)

    La chanson de la Bien-Aimée,
    Comme un trille d'oiseau siffleur,
    Monte dans la nuit parfumée.

    L'entendez-vous sous la ramée,
    A travers les pommiers en fleur,
    La chanson de la Bien-Aimée ?

    Comme une vivante fumée,
    Son rythme subtil et trembleur
    Monte dans la nuit parfumée.

    Et quand vient l'heure...

  • Tu rangeais en chantant pour le repas du soir
    Le pain blond, du laitage et le fruit de nos treilles,
    Autour d'un rayon d'or formé par les abeilles ;
    Et te voici qui viens tout près de moi t'asseoir.

    Il a plu ; l'air mouillé répand une odeur verte,
    Le fifre d'un insecte invisible au plafond
    Alterne avec le bruit que les gouttes d'eau font
    Sur des...

  • Vous qui sur mon front, toute en larmes,
    Pressez vos yeux pour ne plus voir
    Les feuilles du berceau de charmes
    Sur le sable humide pleuvoir,

    Dans le brouillard funèbre où glissent
    Ces ombres des jours révolus,
    Pauvre enfant dont les cils frémissent,
    Vous qui pleurez, ne pleurez plus.

    Car bientôt, dans les avenues,
    Décembre...

  • Sois pure comme la rosée,
    Comme le ciel que tu reflètes ;
    Sois légère aux herbes brisées,
    Ame tremblante du poète.

    Colore-toi du sang de l'aube,
    Scintille en larme aux cils des feuilles ;
    Et si des roses te recueillent,
    Qu'une vierge cueille ces roses.

    Sois lumineuse et résignée,
    Rafraîchis le pied qui te foule ;
    Souris au...

  • Ce soir après la pluie est doux ; soir de septembre
    Si doux qu'on en voudrait pleurer, si plein d'abeilles
    Qu'on fuit tout défaillant la pénombre des chambres.
    C'est un soir de septembre un peu triste, et c'est veille
    De dimanche, et c'est l'heure ou ceux de la maison
    Viennent s'asseoir parmi les roses du perron.
    C'est un soir de septembre et veille de...

  • Les chats trempent leur langue rose
    Au bord des soucoupes de lait ;
    Les yeux fixés sur le soufflet,
    Le chien bâille en songeant, morose.

    Et tandis qu'il songe et repose
    Près de la flamme au chaud reflet,
    Les chats trempent leur langue rose
    Au bord des soucoupes de lait.

    Dans le salon, seul le feu glose ;
    Mère-grand dit son...