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    Mon démon familier, mon sylphe aux ailes roses,
    Est venu ce matin, sur mes paupières closes,
    Poser le bout du doigt, et, pour mieux m'éveiller,
    Comme un oiseau chanteur se mettre à babiller.

    « O mon bel endormi, murmura-t-il, l'aurore
    M'a fait abandonner la fleur qui vient d'éclore.
    Au firmament, les plis du manteau de la Nuit
    Dans l'ombre du...

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    La prose n'est point sotte, et, — disons-le tout bas, —
    Le plus souvent les vers sont de la sotte prose,
    De lourds empâtements de vert tendre et de rose,
    Des suites d'adjectifs, des oh ciel ! des hélas !
    Un orgueilleux jargon où le pauvre poète
    Vous dit tout, — excepté ce qu'il a dans la tête.

    C'est absurde, c'est plat. Et pourtant, jeune fou,...

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    Hier, enfant, tu m'as dit d'une voix inquiète,
    Souriant et boudant, te penchant dans mes bras :
    « Toi qui chantes pour tous, infidèle poète,
    « Sur nos jeunes amours ne chanteras-tu pas ?

    « Tu fais métier d'écrire et sèmes ta parole.
    « Dis ? que ne m'offres-tu ces bouquets que ta main
    « Effeuille sur la route, insouciante et folle.
    « Je veux...

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    I

    Un soir, je l'aperçus dans une ombreuse allée
    Onduler comme un rêve à la forme voilée.
    Son regard incertain qui, vague, par moment,
    Sans paraître rien voir, caresse doucement,
    Son pas harmonieux, sa démarche légère
    Qui semble dans un vol se détacher de terre,
    Sa taille qui se plie au vent comme une fleur,
    Me la firent dans l'ombre, en...

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    Ce que je veux, sur le coteau,
    C'est, lorsque Mai vient nous sourire,
    Une cabane qui se mire
    Dans le miroir clair d'un ruisseau ;

    C'est un nid perdu sous les branches,
    Ou ne conduise aucun chemin,
    Un nid qui n'ait d'autre voisin
    Que le nid des colombes blanches.

    Ce que je veux, à l'horizon,
    C'est, au pied d'une roche grise,
    ...

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    J'estime qu'un conte badin,
    En hiver, par un temps de pluie,
    Lorsqu'on se chauffe et qu'on s'ennuie,
    Est un remède souverain
    Pour chasser la mélancolie.
    Le corps perdu dans le duvet,
    Et les deux pieds sur un chenet,
    On regarde briller la flamme ;
    Et, par le doux conte bercé,
    On entend chanter dans son âme
    Quelque souvenir...

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    Ami, te souviens-tu de la tombe noircie,
    Tout au bord d'une allée, à demi sous les fleurs,
    Qui nous retint longtemps et nous laissa rêveurs.
    Le marbre en est rongé par les vents et la pluie.
    Elle songe dans l'herbe et, discrète, se tait,
    Souriante et sereine au blond soleil de mai.

    Elle songe dans l'herbe, et, de sa rêverie,
    La tombe...

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    I

    La foule, à deux genoux devant la Vierge sainte,
    Priait dévotement en regardant le ciel.
    Les vitraux pâlissaient et les feux de l'autel
    N'éclairaient qu'à demi les piliers de l'enceinte.
    On était à ce mois où tout rit dans les champs,
    Où la terre s'éveille aux baisers du printemps
    Et se pare de fleurs, comme la jeune fille
    Qui met tous...

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    Est-ce un crime, dis-moi ? suprême Intelligence,
    De vouloir pénétrer ta sainte Providence ;
    De questionner sur toi tes enfants et ton ciel ;
    De briser pour te voir l'hostie à ton autel ;
    Inquiet de mes vingt ans, au seuil de la carrière,
    De donner une larme à l'humaine misère,
    Et, feuille abandonnée aux bises du matin,
    De tournoyer, cherchant...

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    I

    Par ce long soir d'hiver, grande était l'assemblée
    Au bruyant cabaret de la Pomme de Pin.
    Des bancs mal assurés, des tables de sapin,
    Quatre quinquets fumeux, une Vénus fêlée :
    Tel était le logis, près du clos Saint-Martin.
      
    C'était un bruit croissant de rires et de verres,
    De cris et de jurons, même de coups de poing.
    Quant...