• A J-M De Heredia.

    La nuit glisse à pas lents sous les feuillages lourds ;
    Sur les nappes d'eau morte aux reflets métalliques,
    Ce soir traîne là-bas sa robe de velours ;
    Et du riche tapis des fleurs mélancoliques,
    Vers les massifs baignés d'une fine vapeur,
    Partent de chauds parfums dans l'air pris de torpeur.
    Avec l'obsession rythmique de la houle,...

  • Sous des massifs touffus, au fond désert du parc,
    La colonnade antique arrondissant son arc,
    Dans une eau sombre encore à moitié se profile ;
    Et la fleur que le pampre ou que le lierre exile
    Parfois brille furtive aux creux des chapiteaux.
    L'eau sommeille ; une mousse y fait de sourds cristaux.
    A peine un coin du ciel en éclaircit la moire,
    De sa lueur...

  • A Catulle Mendès.

    Un long frisson descend des coteaux aux vallées ;
    Des coteaux et des bois, dans la plaine et les champs,
    Le frisson de la nuit passe vers les allées.
    - Oh ! l'angelus du soir dans les soleils couchants ! -
    Sous une haleine froide au loin meurent les chants,
    Les rires et les chants dans les brumes épaisses.
    Dans la brume qui monte...

  • Car les bois ont aussi leurs jours d'ennui hautain ;
    Et, las de tordre au vent leurs grands bras séculaires ;
    S'enveloppent alors d'immobiles colères ;
    Et leur mépris muet insulte leur destin.

    Ni chevreuils, ni ramiers chanteurs, ni sources claires.
    La forêt ne veut plus sourire au vieux matin,
    Et, refoulant la vie aux plaines du lointain,
    Semble...

  • Comme les hauts piliers des vieilles cathédrales,
    Ô rêves de mon coeur, vous montez ! Et je vois
    L'ancien encens encore endormir ses spirales
    A l'ombre de vos nefs, ô rêves d'autrefois !

    Comme un orgue dompté par des mains magistrales,
    Ô ma longue douleur ! Je t'écoute ; et ta voix
    Murmure encor l'écho des plaintes et des râles
    Que j'ai depuis longtemps...

  • Songe horrible ! - la foule innombrable des âmes
    M'entourait. Immobile et muet, devant nous,
    Beau comme un dieu, mais triste et pliant les genoux,
    L'ancêtre restait loin des hommes et des femmes.

    Et le rayonnement de sa mâle beauté,
    Sa force, son orgueil, son remords, tout son être,
    Forme du premier rêve où s'admira son maître,
    S'illuminait du sceau de...

  • Les dieux sont muets, et la vie est triste.
    Pour nous mordre au coeur, les crocs hérissés,
    Un noir lévrier nous suit à la piste.
    Sur les fronts pâlis, sous les yeux baissés,
    Dans les carrefours que la foule obstrue,
    Parmi les chansons, les bruits de la rue,
    Dans les yeux éteints, sur les fronts penchés,
    Je cherche et je trouve une angoisse affreuse,
    Un...

  • Quand naissent les fleurs au chant des oiseaux
    Ton étrange voix gravement résonne,
    Et comme aux échos des forêts d'automne
    Un pressentiment court jusqu'en mes os.

    Quand l'or des moissons mûrit sous la flamme,
    Ton lointain sourire à peine tracé
    Me pénètre ainsi qu'un brouillard glacé.
    L'hiver boréal envahit mon âme.

    Quand saignent au soir...

  • Tout se tait maintenant dans la ville. Les rues
    Ne retentissent plus sous les lourds tombereaux.
    Le gain du jour compté, victimes et bourreaux
    S'endorment en rêvant aux richesses accrues ;
    Plus de lampe qui luise à travers les carreaux.

    Tous dorment en rêvant aux richesses lointaines.
    On n'entend plus tinter le métal des comptoirs ;
    Parfois, dans le...

  • Qu'avais-tu dans l'esprit, maître à la brosse ardente,
    Pour que sous ton pinceau la nature en fureur
    Semble jeter au ciel une insulte stridente,
    Ou frémir dans l'effroi de sa sinistre horreur ?

    Pourquoi dédaignais-tu les calmes paysages
    Dans la lumière au loin ourlant leurs horizons,
    Les lacs d'azur limpide, et sur de frais visages
    L'ombre du vert...