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    ÈVE

    Voilà mon bien aimé qui s’en revient des champs.
    Comme il doit être las ! Je n’entends plus les chants
    Que tout le jour il fit retentir dans la plaine
    Pour donner plus de cœur à ses bœufs hors d’haleine.
    Le père de mes fils approche lentement ;
    Il pousse devant lui l’attelage fumant
    Qu’il aiguillonne avec la pointe d’un arbuste.
    Que...

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    I

    Ô Ciel inférieur, Terre des siècles ! l’homme
    Avec autant d’effroi que de désir te nomme ;
    Heureux s’il a vécu sans honte et sans remord.
    Il passe ; rien n’est vrai, de sa vie éphémère.
    À peine il vient d’entrer dans le sein de sa mère
    Que déjà son visage est tourné vers la mort.

    Enveloppé de lin, pris dans mes bandelettes,
    Baigné d’...

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    I

    Quel blasphème a souillé ma bouche ? Qu’ai-je dit ?
    Parce que la Nature, en de calmes retraites,
    Pensive et loin de nous poursuit ses fins secrètes,
    L’effort libre m’est-il à jamais interdit ?

    Ne fais-je qu’obéir à cette reine altière
    Alors qu’en frémissant je triomphe de moi ?
    Suis-je étreint par la loi, l’impitoyable loi,
    Comme ce...

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    LE POÈTE

    C’est à moi qu’appartient le plus jeune des dieux !
    La flûte doit céder au chant mélodieux.
    Que cette Phrygienne à la voix trop hardie
    Résonne sans troubler la sainte mélodie
    Et, comme une servante, accompagne le chœur.
    J’exalterai le dieu qui fait bondir mon cœur ;
    Celui que Sémélé, paie, heureuse, éblouie,
    Ayant reçu de Zeus...

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    I

    Ami, que cherches-tu ? tes yeux sont pleins de songes.
    Près de ce lac peuplé de cygnes, viens t’asseoir.
    Pour éteindre l’ardeur du rêve où tu te plonges,
    Viens, laisse-toi revivre aux frais baisers du soir,

    O la paisible nuit ! l’air léger qu’on respire
    Pénètre la pensée et parfume le sang.
    Un cygne endormi passe ; et l'on vit se sourire...

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    Nous sommes Carinus et Leucius, deux frères.
    Écoutez-nous. Ceux-là seraient trop téméraires
    Qui, ne se laissant point troubler par le remords,
    Mépriseraient aussi la parole des morts.
    Vous disiez : « Que son sang retombe sur nos têtes ! »
    Soit. Il en sera fait ainsi, chiens que vous êtes.
    Le sang du Christ, le sang terrible et précieux.
    Au jour...

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    Un soir qu’il priait seul et triste, Salomon,
    Dont l’anneau d’or commande aux forces du Démon,
    Vit briller tout à coup d’une clarté livide
    La maison du Seigneur silencieuse et vide.
    Tout s’animait, le bois, la pierre, le métal.
    Comme un ressouvenir du vieux Liban natal
    Qui jadis écoutait bruire leurs ramures,
    Dans les cèdres taillés glissèrent...

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    Être unique, ineffable, inaccessible, immense,
    Voyageur de l’espace et du temps infinis,
    Toi que nous vénérons sous tes voiles bénis,
    Le monde, au jour premier, germa de ta semence.

    La source qui jamais n’est lasse de jaillir,
    Le pain sacré, c’est toi. Ta parole est substance.
    Dans le creux de ta main palpite l’existence ;
    Le futur, en tes...

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    I

    Épuisé par l’effort, ivre de lassitude,
    Je n’interroge plus mon ingrate raison.
    Dieu n’a pas visité cette obscure prison ;
    Tout est morne ; mon âme est une solitude.

    Quiconque a servi Dieu, son culte fut le mien ;
    J’ai vu frémir la lettre et palpiter l’idole ;
    J’ai soulevé le voile éclatant du symbole ;
    Et que puis-je affirmer d’un...

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    Mon cœur gonflé d’amour refusait de se taire.
    Mon âme s’élançait vers le souverain Bien.
    Que faire, n’ayant pas un Dieu qui fût le mien ?
    Adorer sans comprendre, et bénir un mystère.

    J’ai voulu retrouver le primitif accent,
    M’épancher en hymnes sincères,
    Boire à la source antique, oublier le présent
    Pour les siècles où l’homme, encor jeune et...