• Il neige blanc sur l’Escaut jaune,

    Tout est déteint, brouillé, fondu ;
    Et par les bois et les chemins perdus
    Les mendiants n’arrivent plus

    Chercher l’aumône,

    L’âpre et mordant hiver enserre les hameaux ;

    Les vieux autour des feux se racontent leurs maux,
    À...

  • C’était à l’Exposition,
    Rayon des dégustations,
    Je cherchais, afin de m’abstraire,
    Un coin solitaire et discret,
    Quand j’aperçus un cabaret
    Que j’aimais déjà comme un frère.

    À peine dans ce cabaret
    Étais-je, comme qui dirait —
    À méditer devant un verre,
    Que surgit, à mon grand émoi,
    Un client, en face de moi,
    Qui me ressemblait...

  • Avec leur chat, avec leur chien,
    Avec, pour vivre, quel moyen ?
    S’en vont, le soir, par la grand’route,
    Les gens d’ici, buveurs de pluie,
    Lécheurs de vent, fumeurs de brume

    Les gens d’ici n’ont rien de rien,
    Rien devers eux
    Que l’infini, ce soir, de la grand’route.
     
    Chacun porte au bout d’une gaule,
    En un mouchoir...

  • Depuis un mois il neige à flots. La nuit dernière
    Il a plu. Maintenant sous la froide lumière
    Du soleil hivernal le givre immaculé
    Étincelle aux rameaux du grand bois constellé.
    Quel séduisant tableau ! quelle vaste féerie !
    Chaque fourré devient une cristallerie ;
    Et les blancheurs du lait, de la nacre, du sel,
    De l’onyx, de l’argent, de la nappe d’...

  • O Vierges ! n’est-ce pas qu’autour de mon supplice,
    Vos danses mèneront, sous la lune complice,
    Une orgie en démence au rythme bondissant,
    Et, de l’antique Olympe ébranlant les murailles,
    Feront mes funérailles
    ...

  • Par-dessus tous les Dieux du ciel et de la terre
    J’adore ton pouvoir immuable indompté,
    Déesse des vieux jours, morne Fatalité.
    Ce pouvoir implacable, aveugle et solitaire
    Écrase mon orgueil et ma force, et je vois
    Que l’on décline en vain tes inflexibles lois.

    Les peuples adoraient le joug qui les enchaîne,
    Rome dormait en paix sur son char triomphal...

  •  
    Au bord du lac Saint-Jean, non loin de Roberval,
    Dans un lieu si charmant qu’il n’a pas de rival,
    Lorsque mai fait briller sa corbeille éclatante,
    Quatre cents Montagnais viennent planter leur tente.

    Débris d’une tribu puissante encore hier,
    Ils viennent, au retour de la chasse d’hiver,
    Rêver, dormir, bercés aux mille épithalames
    Des roseaux...

  • Je sais la vanité de tout désir profane.
    À peine gardons-nous de tes amours défunts,
    Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
    Y laisse d’âme et de parfums.

    Ils n’ont, les plus beaux bras, que des chaînes d’argile,
    Indolentes autour du col le plus aimé ;
    Avant d’...

  •  
    C’était le soir d’un jour de fête,
    La fête du Saint-Sacrement.
    Sur chaque toit, sur chaque faîte
    Des drapeaux flottaient mollement.

    Plus d’une avenue était pleine
    Des fleurs de la procession.
    Le vent retenait son haleine,
    Le flot sa modulation.

    Le couchant, beau comme l’aurore,
    Empourprait les saints reposoirs,
    Dont les...