L’Éden était fermé. La terre ouvrait ses routes :
Adam, d’un seul regard, les interrogea toutes,
Et, ne pouvant choisir parmi tant de chemins,
Il se tourna vers Ève & dit : « Étends les mains :
Je te laisse le choix entre tous nos domaines.
Puisque j’ai quitté Dieu, qu’importe où tu me mènes ?
Ma patrie est partout avec Ève ; ses yeux
Me tiendront...
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Des ombres de la nuit la campagne est voilée.
Nul astre aux cieux. Le vent d’automne dans les bois
Passe, souffle & murmure, & remplit la vallée
De sifflements pareils à de lugubre voix.Malheur au vagabond qui, malade & sans gîte,
Par ce tempe lamentable erre loin des hameaux !
Malheur au sein pensif où la douleur s’agite,
Et qui veille... -
Tout cuirassé de rocs anguleux & chenus,
Le pic inaccessible & qui ne veut pas d’hôtes
Va se perdre au-dessus des crêtes les plus hautes,
Vers le fourmillement des mondes inconnus.Jamais nos sueurs n’ont fécondé ses flancs nus
Et le sillon jamais n’a déchiré ses côtes ;
Et nos sombres labeurs, nos désespoirs, nos fautes,
Bruits sinistres,... -
Le soleil s’est levé du milieu des collines
Comme le premier-né divin des nuits d’été,
Déchirant, dans un vol de flammes emporté,
Du matin frissonnant les frêles mousselines.Les champs, l’eau, les forêts graves & sibyllines,
La terre jusqu’au ciel tressaille de clarté.
Le chœur universel des bêtes a chanté,
Voix dans l’air, voix des bois,... -
Un large ruban d’or illumine la cime
Des coteaux dont la brume a noyé le versant.
L’horizon se déchire, & le soleil descend
Sous les nuages roux qui flottent dans l’abîme
Comme un riche archipel sur une mer de sang.De confuses rumeurs s’éveillent par la plaine,
Et dans son champ, debout aux rebords des sillons,
Travailleur obstiné sous les... -
Je connais un sentier sombre & marécageux
Bordé d’herbe & de fleurs où l’abeille butine.
Un jour, un crapaud vert qu’effleura sa bottine
Fit l’enfant se pâmer de dégoût sous mes yeux.Je n’avais pas vingt ans, & n’aimais qu’elle au monde,
Et posai sur sa bouche un baiser amoureux.
Puis j’écrasai du pied le batracien immonde,
Et j’en eus du... -
Malheur à qui, tournant l’angle d’un carrefour,
Insouciant, sourit en coudoyant le vice !
Il faut qu’un noble cœur se révolte & frémisse,
Quand, le soir, apparaît le spectre de l’amour.Il faut que l’âme honnête aspire à ce beau jour.
Où finira l’immonde & navrant sacrifice ;
Où la fille du peuple, arrachée au supplice,
Sans effort marchera... -
Toi qui m’entends parler sans frayeur de la mort,
Parce que ton amour te promet qu’elle endort,
Et que le court sommeil commencé dans son ombre
S’achève au clair pays des étoiles sans nombre,
Reçois mon dernier vœu pour le jour où j’irai
Tenter seul, avant toi, si ton amour dit vrai.Ne cultive au-dessus de mes paupières closes
Ni de grands dahlias,... -
Je veux ensevelir au linceul de la rime
Ce souvenir, malaise immense qui m’opprime.Quand j’aurai fait ces vers, quand tous les auront lus,
Mon mal vulgarisé ne me poursuivra plus.Car ce mal est trop grand pour que seul je le garde ;
Aussi j’ouvre mon âme à la foule criarde.Assiégez le réduit de mes rêves défunts,
Et dispersez ce qu’il y reste de... -
Il est de par le monde une vierge proscrite,
Etre toujours maudit & toujours redouté,
Fuyant sous les clameurs d’une foule hypocrite
Qui peut tout lui ravir, hors l’immortalité.Elle est belle, & pourtant son radieux visage
S’assombrit, traversé par des plis soucieux :
On dirait un superbe & morne paysage
Où l’ombre se répand sur l’or...