• Désir d’être, soudain, la bête hiératique,
    D’un éclat noir, sous le portique
    Escarbouclé d’un temple, à Benarès !

    Gueule tordue, avec de courbes dents livides.
    Masque divin et criminel,
    Avec de grands yeux vides,
    Avec, sous le front d’or, un œil d’or éternel.

    Sous un plafond de marbre noir, à Benarès.
    Ils arrivent les enfants clairs — et leurs...

  • Un catafalque d’or surgit au fond des soirs,
    Quand les astres, comme des lampes,
    Brûlent, en étageant leurs rampes,
    Vers les lointains d’argent marbrant des parvis noirs.

    Quel mort en ce cercueil...

  • Plaines au Nord et mornes nues !…
    Les cavales des automnes chenues
    Que déchiraient des éperons d’éclair
    Tannaient le sol ou piétinaient la mer.

    Elles traînaient, à travers nuit,
    Leurs chariots de bruit,
    Si lourdement, leurs chariots de chocs,
    Qu’on aurait cru les cieux cassés, par blocs.

    Des mâts crucifiés, sur fond d’orage,...

  • L’AMOUR

    Aux fleurs rouges qui pavoisent l’espace
    Et s’exaltent, dans l’or des jours,
    Comme un vent fou le torturant amour
    S’enlace.

    Oh le charme de sa douleur
    Et les lances de sa douleur,
    Violentes, au fond du cœur !

    Oh ! son ardeur, malgré sa vastitude,
    Et son grand don de plénitude...

  • Dans le jardin, où des lions mélancoliques
    Traînent le char du vieil amour,
    Mes yeux ont allumé leurs braises sur la tour
    Et regardent, mélancoliques,
    Traîner le char du vieil amour.

    Des chapelets de seins enguirlandent le bord
    Des seins de reine, où sont plantés des couteaux d’or.

    Le sourire des Omphales, qui plus ne bouge,
    Et les yeux de...

  • Quand les terreaux, déjà roussis et purpurins,
    Flamboient, sous les couchants mortuaires d’automne,
    On voit, d’un carrefour livide et monotone,
    Partir pour l’infini les arbres pèlerins ;

    Les pèlerins s’en vont, grands de mélancolie,
    Pensifs, pieux et lents, par les routes du soir,
    Les pèlerins géants et lourds et laissant choir
    Leur feuillage de...

  • Tandis que la nuit froide étage sa terrasse
    Par au-delà des bruyères et des forêts,
    Le soir qui meurt, le soir ! jette sur les marais,
    L’éclair de son épée et l’or de son armure,

    Qui vont flottant au flot le flot, flottants et vains,
    À peine encor frôlés par la splendeur diurne,
    Mais lentement baisés, par la lèvre nocturne
    De la lune pieuse et douce,...

  • Elle était comme une rose pâlie ;
    Je la sentais discrète, autour de moi,
    Avec des mains de miel, pour ma mélancolie.

    Sa jeunesse touchait à ses heures de soir ;
    Quoique malade, elle était calme et volontaire
    Et m’imposait et sa tendresse et son espoir.

    Aucune ardeur, qui domptait par secousse ;
    C’était la sentir droite, en son...

  • Lointainement, et si étrangement pareils,
    De grands masques d’argent que la brume recule,
    Vaguent, au jour tombant, autour des vieux soleils.

    Les doux lointains ! — et comme, au fond du crépuscule,
    Ils nous fixent le cœur, immensément le cœur,
    Avec les yeux défunts de leur visage d’âme.

    C’est toujours du silence, à moins, dans la pâleur
    Du soir, un...

  • Chairs de vulves ou de gencives,
    Les pétales des fleurs nocives
    Bougent au vent,
    Torpide et lent,
    Qui les pourrit d’automne monotone
    Et les emporte sur l’étang.

    On croirait voir de grands morceaux
    De cœurs brisés,
    On croirait voir de grands lambeaux
    De vie ardente et dispersée,
    On croirait voir de gros caillots...