• L'inclinaison de ce vieux saule
    Sur le vieil étang soucieux
    Que pas une brise ne frôle,
    A quelque chose de pieux.

    Et l'on dirait que chaque feuille,
    Ayant cessé son trémolo,
    Pompe le mystère de l'eau
    Et dévotement se recueille.

    Or, soudain, y perchant son vol,
    Voici qu'un petit rossignol,
    Tendre interprète d'aventure,
    ...

  • Autrefois, un pauvre arbre, au coin d'une prairie,
    M'avait toujours frappé les yeux
    Par son dénudé soucieux
    Et par l'air écrasé de sa sommeillerie.

    Or, après bien des ans, ce soir, je le retrouve.
    Et, c'est un ébahissement
    Tout mêlé d'attendrissement.
    Comme un trouble ravi qu'à son aspect j'éprouve.

    Car, maintenant, pour l'oeil, le...

  • La chair de femme sèche ou grasse
    Est le fruit de la volupté
    Tour à tour vert, mûr et gâté
    Que le désir cueille ou ramasse.

    Mystérieuse dans sa grâce,
    Exquise dans son âcreté,
    La chair de femme sèche ou grasse
    Est le fruit de la volupté.

    Pas un seul homme ne s'en lasse.
    Chacun avec avidité
    Y mordrait pour l'éternité.
    Et...

  • Le soir, la solitude et la neige s'entendent
    Pour faire un paysage affreux de cet endroit
    Blêmissant au milieu dans un demi-jour froid
    Tandis que ses lointains d'obscurité se tendent.

    Çà et là, des étangs dont les glaces se fendent
    Avec un mauvais bruit qui suscite l'effroi ;
    Là-bas, dans une terre où le vague s'accroît,
    Des corbeaux qui s'en vont...

  • Je rêve un pays rouge et suant le carnage,
    Hérissé d'arbres verts en forme d'éteignoir,
    Des calvaires autour, et dans le voisinage
    Un étang où pivote un horrible entonnoir.

    Farouche et raffolant des donjons moyen âge,
    J'irais m'ensevelir au fond d'un vieux manoir :
    Comme je humerais le mystère qui nage
    Entre de vastes murs tendus de velours noir !...

  • Ruminant au logis tout un passé funèbre
    Où des ferments aigris de haine et de remord
    Joignaient leur goût de fiel à des saveurs de mort,
    J'entrais dans cette horreur où l'esprit s'enténèbre.

    Quel qu'il fût, l'être humain, rien qu'avec sa présence
    M'évoquant tant de mal que j'ai souffert par lui,
    M'aurait envenimé. Contre un si noir ennui
    Ma...

  • La meunière, une forte et rougeaude jeunesse,
    Chantait dans sa charrette en piquant son bardeau ;
    Tout à coup, l'animal quittant son pas lourdaud,
    Partit brusque ! il venait de sentir une ânesse.

    Celle-ci, l'ayant vu du fond du brouillard pâle,
    D'un long cri de désir hélait le bourriquot
    Lequel hâtait sa course en ébranlant l'écho
    D'un grand hi-...

  • Cette plaine sans un chemin
    Figure au fond de la vallée
    La solitude immaculée
    Vierge de tout passage humain.

    Presque nue, elle a du mystère,
    Une étrangeté qui provient
    De ses teintes d'aspect ancien
    Et de son grand silence austère.

    Une brise lourde, parfois,
    Y laissant sa longue traînée,
    Elle exhale l'odeur fanée
    Des...

  • Dans sa grande jatte de grès,
    L'Angélique, la belle veuve,
    Avec sa crème toute neuve
    Fabrique un peu de beurre frais.

    Ses doigts et sa batte à loisir
    Fouettent, pressent, foulent, tripotent,
    Tournent, roulent, piquent, tapotent
    La crème lente à s'épaissir.

    Enfin, déjà compacts, les grumeaux s'agglomèrent
    Et prennent par degrés leur...

  • L'été, ces deux bouleaux qui se font vis-à-vis,
    Avec ce délicat et mystique feuillage
    D'un vert si vaporeux sur un si fin branchage,
    Ont l'air extasié devant les yeux ravis.

    Ceints d'un lierre imitant un grand serpent inerte,
    Pommés sur leurs troncs droits, tout lamés d'argent blanc,
    Ils charment ce pacage où leur froufrou tremblant
    Traîne le...