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    Ô mains d’ambre rosé, mains de plume et d’ouate
    Où tremble autant d’esprit que sur la lèvre moite,
    Et de rêve que dans l’œil bleu !
    Ô mignonnettes mains, menottes à fossettes
    Qui servent à l’amour de petites pincettes
    ...

  • Sur les petits chênes trapus
    Voici qu’enfin las et repus
    Les piverts sont interrompus
    Par les orfraies.
    À cette heure, visqueux troupeaux,
    Les limaces et les crapauds
    Rampent allègres et dispos
    ...

  • Couleuvre gigantesque il s’allonge et se tord,
    Tatoué de marais, hérissé de viornes,
    Entre deux grands taillis mystérieux et mornes
    Qui semblent revêtus d’un feuillage de mort.

    L’eau de source entretient dans ce pré sans rigole
    Une herbe où les crapauds sont emparadisés.
    Vert précipice, il a des abords malaisés
    Tels, que l’on y descend moins qu’on n’y...

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    Ils sortent radieux et doux
    Des limbes de la chrysalide
    Et frôlent dans les chemins roux
    Les ronces, les buis et les houx.
    Pour voir les vieux murs pleins de trous
    Et que la mousse consolide,
    Ils sortent radieux et doux
    Des limbes de la chrysalide.

    Par eux, les buveurs de parfums,
    Toutes les fleurs sont respirées ;
    Ils vont...

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    Les pâquerettes sont en deuil
    Depuis que Marguerite est morte.
    Hélas ! on a fermé la porte
    Et sa bière a quitté le seuil.

    Elles se miraient dans son œil :
    C’était leur âme en quelque sorte !
    Les pâquerettes sont en deuil
    Depuis que Marguerite est morte.

    Chacune, avec un tendre orgueil,
    Câline et tristement accorte,
    Eût voulu...

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    Un parfum chante en moi comme un air obsédant :
    Tout mon corps se repaît de sa moindre bouffée,
    Et je crois que j’aspire une haleine de fée,
    Qu’il soit proche ou lointain, qu’il soit vague ou strident.

    Fils de l’air qui les cueille ou bien qui les déterre,
    Ils sont humides, mous, froids ou chauds comme lui,
    Et, comme l’air encor, dès que la lune a...

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    Avec le masque du mensonge
    La parole suit son chemin,
    Rampe aujourd’hui, vole demain,
    Se raccourcit ou bien s’allonge.

    Elle empoigne comme une main
    Et se dérobe comme un songe.
    Avec le masque du mensonge
    La parole suit son chemin.

    Cœurs de gaze et de parchemin,
    Chacun la boit comme une éponge,
    Et jusqu’au fond du gouffre...

  • Que ce pâtre à jambe de bois
    Est donc vieux malgré son jeune âge !
    — Il chante, comme c’est l’usage.
    Mais quelle épouvantable voix !

    Jamais sourire plus narquois
    N’a ridé plus hideux visage.
    Que ce pâtre à jambe de bois
    Est donc vieux malgré son jeune âge !

    Voici que ma chienne aux abois
    Flaire un calamiteux présage ;
    Quant à moi,...

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    Le torrent a franchi ses bords
    Et gagné la pierraille ocreuse ;
    Le meunier longe avec efforts
    L’ornière humide qui se creuse.
    Déjà le lézard engourdi
    Devient plus frileux d’heure en heure ;
    Et le soleil du plein midi
    Est voilé comme un œil qui pleure.

    Les nuages sont revenus,
    Et la treille qu’on a saignée
    Tord ses longs bras...

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    Déjà cette prairie en commençant l’hiver
    Étendait son tapis d’herbe courte et fripée,
    Elle languit encor, de plus en plus râpée,
    D’un gris toujours plus pâle et moins mêlé de vert.

    Et pourtant, il y vient, poussant leur douce plainte,
    Dressant l’oreille au vent qu’ils semblent écouter,
    Quelques pauvres moutons qui tâchent de brouter
    Ce regain...