Rolla (La cavale sauvage)

(extrait)

...Lorsque dans le désert la cavale sauvage,
Après trois jours de marche, attend un jour d'orage
Pour boire l'eau du ciel sur ses palmiers poudreux,
Le soleil est de plomb, les palmiers en silence
Sous leur ciel embrasé penchent leurs longs cheveux ;
Elle cherche son puits dans le désert immense,
Le soleil l'a séché ; sur le rocher brûlant,
Les lions hérissés dorment en grommelant.
Elle se sent fléchir ; ses narines qui saignent
S'enfoncent dans le sable, et le sable altéré
Vient boire avidement son sang décoloré.
Alors elle se couche, et ses grands yeux s'éteignent,
Et le pâle désert roule sur son enfant
Les flots silencieux de son linceul mouvant.

Elle ne savait pas, lorsque les caravanes
Avec leurs chameliers passaient sous les platanes,
Qu'elle n'avait qu'à suivre et qu'à baisser le front,
Pour trouver à Bagdad de fraîches écuries,
Des râteliers dorés, des luzernes fleuries,
Et des puits dont le ciel n'a jamais vu le fond.

Si Dieu nous a tirés tous de la même fange,
Certe, il a dû pétrir dans une argile étrange
Et sécher aux rayons d'un soleil irrité
Cet être, quel qu'il soit, ou l'aigle, ou l'hirondelle,
Qui ne saurait plier ni son cou ni son aile,
Et qui n'a pour tout bien qu'un mot : la liberté. [...]

Collection: 
1834

More from Poet

  • Sonnet

    Ainsi, quand la fleur printanière
    Dans les bois va s'épanouir,
    Au premier souffle du zéphyr
    Elle sourit avec mystère ;

    Et sa tige fraîche et légère,
    Sentant son calice s'ouvrir,
    Jusque dans le sein de la terre
    Frémit de joie et de désir....

  • Oui, si j'étais femme, aimable et jolie,
    Je voudrais, Julie,
    Faire comme vous ;
    Sans peur ni pitié, sans choix ni mystère,
    A toute la terre
    Faire les yeux doux.

    Je voudrais n'avoir de soucis au monde
    Que ma taille ronde,
    Mes chiffons chéris,...

  • Vous m'envoyez, belle Emilie,
    Un poulet bien emmailloté ;
    Votre main discrète et polie
    L'a soigneusement cacheté.
    Mais l'aumône est un peu légère,
    Et malgré sa dextérité,
    Cette main est bien ménagère
    Dans ses actes de charité.
    C'est regarder à la...

  • Non, quand bien même une amère souffrance
    Dans ce coeur mort pourrait se ranimer ;
    Non, quand bien même une fleur d'espérance
    Sur mon chemin pourrait encor germer ;

    Quand la pudeur, la grâce et l'innocence
    Viendraient en toi me plaindre et me charmer,
    Non,...

  • Que j'aime le premier frisson d'hiver ! le chaume,
    Sous le pied du chasseur, refusant de ployer !
    Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume,
    Au fond du vieux château s'éveille le foyer ;

    C'est le temps de la ville. - Oh ! lorsque l'an dernier,
    J'y...