Rien de trop

Je ne vois point de créature
Se comporter modérément.
Il est certain tempérament
Que le maître de la nature
Veut que l'on garde en tout. Le fait-on ? Nullement.
Soit en bien, soit en mal, cela n'arrive guère.
Le blé, riche présent de la blonde Cérès
Trop touffu bien souvent épuise les guérets ;
En superfluités s'épandant d'ordinaire,
Et poussant trop abondamment,
Il ôte à son fruit l'aliment.
L'arbre n'en fait pas moins ; tant le luxe sait plaire !
Pour corriger le blé, Dieu permit aux moutons
De retrancher l'excès des prodigues moissons.
Tout au travers ils se jetèrent,
Gâtèrent tout, et tout broutèrent,
Tant que le Ciel permit aux Loups
D'en croquer quelques-uns : ils les croquèrent tous ;
S'ils ne le firent pas, du moins ils y tâchèrent.
Puis le Ciel permit aux humains
De punir ces derniers : les humains abusèrent
A leur tour des ordres divins.
De tous les animaux l'homme a le plus de pente
A se porter dedans l'excès.
Il faudrait faire le procès
Aux petits comme aux grands. Il n'est âme vivante
Qui ne pèche en ceci. Rien de trop est un point
Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point.

Collection: 
1658

More from Poet

  • La Bique allant remplir sa traînante mamelle
    Et paître l'herbe nouvelle,
    Ferma sa porte au loquet,
    Non sans dire à son Biquet :
    Gardez-vous sur votre vie
    D'ouvrir que l'on ne vous die,
    Pour enseigne et mot du guet :
    Foin du Loup et de sa race !
    ...

  • Certain Païen chez lui gardait un Dieu de bois,
    De ces Dieux qui sont sourds, bien qu'ayants des oreilles.
    Le païen cependant s'en promettait merveilles.
    Il lui coûtait autant que trois.
    Ce n'étaient que voeux et qu'offrandes,
    Sacrifices de boeufs couronnés de...

  • Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
    Et de tous les côtés au Soleil exposé,
    Six forts chevaux tiraient un Coche.
    Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
    L'attelage suait, soufflait, était rendu.
    Une Mouche survient, et des chevaux s'approche ;
    ...

  • Me voici rembarqué sur la mer amoureuse,
    Moi pour qui tant de fois elle fut malheureuse,
    Qui ne suis pas encor du naufrage essuyé,
    Quitte à peine d'un voeu nouvellement payé.
    Que faire ? mon destin est tel qu'il faut que j'aime
    On m'a pourvu d'un coeur peu content...

  • Désormais que ma Muse, aussi bien que mes jours,
    Touche de son déclin l'inévitable cours,
    Et que de ma raison le flambeau va s'éteindre,
    Irai-je en consumer les restes à me plaindre,
    Et, prodigue d'un temps par la Parque attendu,
    Le perdre à regretter celui que j'ai...