Recueillements poétiques/À une jeune fille qui me demandait de mes cheveux

 
Des cheveux ! mais ils sont blanchis sous les années !
Des cheveux ! mais ils vont tomber sous les hivers !
Que feraient tes beaux doigts de leurs boucles fanées ?
Pour tresser la couronne, il faut des rameaux verts.

Crois-tu donc, jeune fille aux jours d’ombre et de joie,
Qu'un front d’homme chargé de quarante printemps
Germe ces blonds anneaux et ces boucles de soie,
Où l’espérance joue avec tes dix-sept ans ?

Crois-tu donc que la lyre où notre âme s’accorde
Chante au fond de nos cœurs, toujours pleine de voix,
Sans que de temps en temps il s’y rompe une corde
Qui laisse en se taisant un vide sous nos doigts ?

Pauvre naïve enfant ! que dirait l’hirondelle
Si, quand l’hiver l’abat aux débris de sa tour,
Ta voix lui demandait les plumes de son aile
Qu’emporte la tempête ou sème le vautour ?

« Demande, dirait-elle, au nuage, à l’écume,
A l'épine, au désert, aux ronces du chemin :
A tous les vents du ciel j’ai laissé quelque plume.
Et pour me réchauffer je n’ai plus que ta main ! »

Ainsi te dit mon cœur, jeune et tendre inconnue ;
Mais quand dans ces cheveux tes souffles passeront,
Je sentirai longtemps, malgré ma tempe nue,
La sève de vingt ans battre encor dans mon front.

Collection: 
1810

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