Passer tout près, passer et regarder de loin,
Et frémir sans oser continuer la route,
Et refouler, de peur dâun indiscret témoin,
Ces derniers pleurs, tout prêts à couler goutte à goutte !
De lourds nuages gris que lâéclair déchirait
Cachaient tout lâhorizon, & les minutes brèves
Sâenvolaient, ô suprême & douloureux regret !
Sans que jâeusse entrevu le pays de mes rêves.
Soudain un coup de vent, dont jâavais frissonné,
Troua du bout de lâaile un large pan de nue,
La montagne apparut le front illuminé,
Neigeuse & rose comme une vierge ingénue.
Le voile retomba presque aussitôt, mes yeux
En sondaient vainement les replis. Dans la brume
Lâimpur limon dâen bas semblait gagner les cieux,
Et de nouveau mon cÅur sâemplissait dâamertume.
Alors, gage éternel de lâéternel amour,
Lâarc-en-ciel, cet anneau que porte au doigt la terre,
Teint pour elle par Dieu de tous les feux du jour,
à mon regard troublé découvrit le mystère :
Oui, la paix qui descend du plus fort, du plus grand,
Sur celui qui chancelle & doute ! oui, lâépreuve,
Oui, la vie & la mort, mots que nul ne comprend,
Oui, lâidéal sacré dont lââme est toujours veuve !
Oui, le soleil dardant ses rayons éclatants,
Oui, sur le passé noir le pardon qui sâattarde,
Et, dans cet infini que nous nommons le temps,
Lâhumanité qui marche à Dieu qui la regarde !