Rayons perdus (1869)/Le Banc

Lorsque je vais m’asseoir à mon banc favori,
Qu’il est tard, qu’il fait doux, que selon l’habitude
Mon petit chien me garde avec sollicitude,
Tous les songes aimés dont mon cœur s’est nourri
Reviennent à la fois peupler ma solitude.

C’est comme un bruit lointain de rires & de chants
Qui vibre encor dans ma mémoire trop fidèle ;
C’est comme un vol d’oiseaux, traversant d’un coup d’aile
Les plaines, les cités, les lacs, les monts, les champs,
Et gazouillant : « Allons nous reposer près d’elle ! »

Ainsi fait le vieillard, l’hiver, au coin du feu,
Quand il écoute en lui son passé, quand, morose

Il se souvient qu’il fut un enfant blond & rose.
Pour moi, le printemps a des fleurs, le ciel est bleu,
L’heure charmante, & c’est pourtant la même chose.

Collection: 
1869

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Et frémir sans oser continuer la route,
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Ces derniers pleurs, tout prêts à couler goutte à goutte !

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La vie est si souvent morne & décolorée,
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Aux toits...

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Rentrez, je ne suis plus l’heureuse jeune fille
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Je ne suis plus coquette, ô mes pauvres atours !
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Laissez-moi les porter...