Rayons perdus (1869)/Amour

 
Ô rêves de jeunesse, éblouissant mirage,
Qui vous arrachera de mon cœur éperdu ?
Qu’étaient donc ma raison, ma force, mon courage,
Qu’ils aient fui pour un mot dans la nuit entendu ?

Amour ! oh ! c’est bien toi dont j’ai senti la flamme,
Toi qui fais mon souci, toi qui fais mon effroi !
Ton souffle impérieux a passé sur mon âme ;
Je tremble, je supplie, oh ! que veux-tu de moi ?

Qu’on ne me parle plus d’aurore ou de rosée,
De chansons au matin, d’astres au firmament ;
Laissez-moi, par pitié, j’aime, je suis brisée,
Et j’ai tout oublié pour ce cruel tourment.

Mais quoi ! je pleure encor ? Oh ! l’amour, c’est la vie,
Le bien, le beau, le grand, la foi, la vérité ;
C’est Dieu même qui parle & soudain nous convie
À jouir tout vivants de l’immortalité !

Écoutez, écoutez : j’aime, je suis aimée,
Je puis vaincre la mort & braver l’inconnu ;
Mon ciel était obscur, mon âme était fermée ;
Voici : le jour s’est fait & l’amour est venu !

Collection: 
1869

More from Poet

Passer tout près, passer et regarder de loin,
Et frémir sans oser continuer la route,
Et refouler, de peur d’un indiscret témoin,
Ces derniers pleurs, tout prêts à couler goutte à goutte !

De lourds nuages gris que l’éclair déchirait
Cachaient tout l’...

La vie est si souvent morne & décolorée,
À l’ennui l’heure lourde est tant de fois livrée
Que le corps s’engourdit,
Et que l’âme, fuyant les épreuves amères,
S’envole & vient saisir à travers les...

Ô les charmants nuages roses,
Les jolis prés verts tout mouillés !
Après les vilains mois moroses,
Les petits oiseaux réveillés
S’envolent aux champs dépouillés.

Tout là-haut ce n’est que bruits d’ailes,
Rendez-vous, murmures, chansons ;
Aux toits...

Lors de ma dix-septième année,
Quand j’aimais & quand je rêvais,
Quand, par l’espérance entraînée,
J’allais, riant des jours mauvais ;
Quand l’amour, ce charmeur suprême,
Endormait le soupçon lui-même
Dans mon cœur craintif & jaloux ;
Quand je n’...

Rentrez dans vos cartons, robe, rubans, résille !
Rentrez, je ne suis plus l’heureuse jeune fille
Que vous avez connue en de plus anciens jours.
Je ne suis plus coquette, ô mes pauvres atours !
Laissez-moi ma cornette & ma robe de chambre,
Laissez-moi les porter...