Ponte Sisto

 
Il est au bord du Tibre un chaos de bâtisses
Plus noires au soleil que les cyprès la nuit,
Et qui, plongeant leur pied dans l’eau jaune qui fuit,
Y trempent constamment leur frange d’immondices.
Une gargouille en sort, et, le long du gros mur,
A creusé dans la pierre une verte traînée ;
En bas, au long roulis d’une barque enchaînée,
Branle un anneau rouillé qui mord le ciment dur.
Mais, à vingt pieds de l’onde, une étroite terrasse,
Dans l’amas inégal des sinistres taudis,
Forme sous une treille un profond paradis
Où le lierre au berceau des tonnelles s’enlace ;
La vigne aventureuse y prend son vif essor ;
Toujours il y sourit l’adorable mélange
Des pâleurs du citron aux rougeurs de l’orange ;
Et, si mes yeux ont bien percé ce fouillis d’or,
Des colombes sans bruit s’y becquetaient à l’aise,

Tandis qu’à l’autre rive, au-dessus des maisons,
Tristement se dressait, vide en toutes saisons,
La loge sans amours du grand palais Farnèse.

Collection: 
1872

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