Victor de Laprade

  • Pourquoi, vous qui rêvez d'unions éternelles,
    Maudissez-vous la mort ?
    Est-ce bien moi qui romps des âmes fraternelles
    L'indissoluble accord ?

    N'est-ce donc pas la vie aux querelles jalouses,
    Aux caprices moqueurs,
    Qui vient, comme la feuille à travers ces...

  • Voix des torrents, des mers, dominant toute voix,
    Pins au large murmure.
    Vous ne dites pas tout, grandes eaux et grands bois,
    Ce que sent la nature.

    Vous n'exhalez pas seuls, ô vastes instruments,
    Ses accords gais ou mornes ;
    Vous ne faites pas seuls, en...

  • Déjà mille boutons rougissants et gonflés,
    Et mille fleurs d'ivoire,
    Forment de longs rubans et des noeuds étoilés
    Sur votre écorce noire,

    Jeune branche ! et pourtant sous son linceul neigeux,
    Dans la brume incolore,
    Entre l'azur du ciel et nos sillons...

  • I

    Quand l'homme te frappa de sa lâche cognée,
    Ô roi qu'hier le mont portait avec orgueil,
    Mon âme, au premier coup, retentit indignée,
    Et dans la forêt sainte il se fit un grand deuil.

    Un murmure éclata sous ses ombres paisibles ;
    J'entendis des...

  • Choeur des Alpes

    Vois ces vierges, là-haut, plus blanches que les cygnes,
    Assises dans l'azur sur les gradins des cieux !
    Viens ! nous invitons l'âme à des fêtes insignes,
    Nous, les Alpes, veillant entre l'homme et les dieux.

    Des amants indiscrets l'abîme...

  • Il est des sources d'eau si bleue et si limpide,
    Que rien n'en peut ternir la transparence humide ;
    Que sur un noir limon leurs ondes de cristal
    Roulent sans altérer l'azur du flot natal ;
    Qu'à travers les débris qui sur leurs bords s'amassent,
    Elles savent choisir...

  • L'esprit calme des dieux habite dans les plantes.
    Heureux est le grand arbre aux feuillages épais ;
    Dans son corps large et sain la sève coule en paix,
    Mais le sang se consume en nos veines brûlantes.

    A la croupe du mont tu sièges comme un roi ;
    Sur ce trône...

  •  
    I

    L’AME

    Dans cet air sombre et lourd qui pèse sur nos villes ;
    J’ai peine à soulever le fardeau de mon corps ;
    Courbé sous les douleurs et les travaux serviles,
    Quand j’aspire à monter, je tombe et je m’endors.

    J’entrevois du chemin, en marchant sur...

  •  
    Verbe endormi dans la nature,
    Esprits muets au fond des bois,
    Âmes qui n'avez qu'un murmure,
    Prenez dans mes vers une voix.
    Esprits du chêne, esprits des roses,
    Prés en fleurs, sables désolés,
    Lacs souriants, rochers moroses,
    Petits bluets sous...

  •  
    Hier on cueillait à l’arbre une dernière pêche,
    Et ce matin voici, dans l’aube épaisse et fraîche,
    L’automne qui blanchit sur les coteaux voisins.
    Un fin givre a ridé la pourpre des raisins.
    Là-bas voyez-vous poindre, au bout de la montée,
    Les ceps aux...