Jean Moréas

  • Tantôt semblable à l'onde et tantôt monstre ou tel
    L'infatigable feu, ce vieux pasteur étrange
    (ainsi que nous l'apprend un ouvrage immortel)
    Se muait. Comme lui, plus qu'à mon tour, je change.

    Car je hais avant tout le stupide indiscret,
    Car le seul juste point...

  • Eau printanière, pluie harmonieuse et douce
    Autant qu'une rigole à travers le verger
    Et plus que l'arrosoir balancé sur la mousse,
    Comme tu prends mon coeur dans ton réseau léger !

    A ma fenêtre, ou bien sous le hangar des routes
    Où je cherche un abri, de quel...

  • Hier j'ai rencontré dans un sentier du bois
    Où j'aime de ma peine à rêver quelquefois,
    Trois satyres amis ; l'un une outre portait
    Et pourtant sautelait, le second secouait
    Un bâton d'olivier, contrefaisant Hercule.
    Sur les arbres dénus, car Automne leur chef
    ...

  • Ses mains qu'elle tend comme pour des théurgies,
    Ses deux mains pâles, ses mains aux bagues barbares ;
    Et toi son cou qui pour la fête tu te pares !
    Ses lèvres rouges à la clarté des bougies ;

    Et ses cheveux, et ses prunelles élargies
    Lourdes de torpeur comme l'air...

  • Je ne regrette rien, ni des lauriers superbes
    L'honneur qui m'était dû,
    Ni cet heureux plaisir, fait de fruits et de gerbes,
    Comme un vin répandu :

    Je vois dans tout ce deuil, dans la Parque sinistre
    De mes plus chers amis,
    Que le ciel a bien su tenir à son...

  • Autrefois je tirais de mes flûtes légères
    Des fredons variés qui plaisaient aux bergères
    Et rendaient attentifs celui qui dans la mer
    Jette ses lourds filets et celui qui en l'air
    Dresse un piège invisible et ceux qui d'aiguillons
    Poussent parmi les champs les boeufs...

  • Coupez le myrte blanc aux bocages d'Athènes,
    A Nîmes le jasmin ;
    A Lille et dans Paris, que les roses hautaines
    Tombent sous votre main,

    Aux Martigues d'azur allez cueillir encore
    La flore des étangs,
    Pour former la couronne, amis, qui me décore
    Et me...

  • Tu me lias de tes mains blanches,
    Tu me lias de tes mains fines,
    Avec des chaînes de pervenches
    Et des cordes de capucines.

    Laisse tes mains blanches,
    Tes mains fines,
    M'enchaîner avec des pervenches
    Et des capucines.

  • Dans l’âtre brûlent les tisons,
    Les tisons noirs aux flammes roses ;
    Dehors hurlent les vents moroses,
    Les vents des vilaines saisons.

    Contre les chenets roux de rouille,
    Mon chat frotte son maigre dos.
    En les ramages des rideaux,
    On dirait un ...

  • Eh quoi ! peut-être aussi c’était mon naturel :
    Je fus doux, étant dur, et rieur, étant sombre ;
    Je voulus faire un dieu de tout ce temporel,
    Et je traîne après moi des fantômes sans nombre.

    L’homme mortel succombe et le sort est vainqueur.
    Apollon, dieu cruel,...