Jean Moréas

  • Belle lune d'argent, j'aime à te voir briller
    Sur les mâts inégaux d'un port plein de paresse,
    Et je rêve bien mieux quand ton rayon caresse,
    Dans un vieux parc, le marbre où je viens m'appuyer.

    J'aime ton jeune éclat et tes beautés fanées,
    Tu me plais sur un lac,...

  • Les branches en arceaux quand le printemps va naître,
    Les ronces sur le mur, le pâturage herbeux,
    Les sentiers de mulets, et cet homme champêtre
    Qui, pour fendre le sol, guide un couple de boeufs,

    La nuit sur la jetée où le phare s'allume,
    Et l'horizon des flots...

  • L'éclair illuminait la nuit de ses beaux feux,
    A la vitre déjà retentissait l'orage,
    Plein d'angoisse le temps rampait entre nous deux,
    Et j'étais là pareil à quelque sombre image.

    Tu te berçais au son de ta plaintive voix,
    Mais j'osais supputer et ta faute et la...

  • La feuille des forêts
    Qui tourne dans la bise
    Là-bas, par les guérets,
    La feuille des forêts
    Qui tourne dans la bise,
    Va-t-elle revenir
    Verdir - la même tige ?

    L'eau claire des ruisseaux
    Qui passe claire et vive
    A l'ombre des berceaux,
    L'...

  • L'eau qui jaillit de ce double rocher
    Remplit ce long bassin d'une onde trépillante ;
    Les frênes, les ormeaux, où viennent se percher
    Linottes et serins,
    Lui font une voûte ondoyante
    Qui garde mieux qu'un toit
    De tuiles, lorsque ainsi Sirius pique droit.

    ...

  • Parmi des chênes, accoudée
    Sur la colline au vert gazon,
    Se dresse la blanche maison,
    De chèvrefeuille enguirlandée.

    A la fenêtre, où dans des pots,
    Fleurit la pâle marguerite,
    Soupire une autre Marguerite :
    Mon coeur a perdu son repos...

    Le...

  • Substance de Cybèle, ô branches, ô feuillages,
    Aériens berceaux des rossignols sauvages,
    L'ombre est déjà menue à vos faîtes rompus,
    Languissants vous pendez et votre vert n'est plus.
    Et moi je te ressemble, automnale nature,
    Mélancolique bois où viendra la froidure....

  • Dans les jardins mouillés, parmi les vertes branches,
    Scintille la splendeur des belles roses blanches.

    La chenille striée et les noirs moucherons
    Insultent vainement la neige de leurs fronts :
    Car, lorsque vient la nuit traînant de larges voiles,
    Que s'allument au...

  • Ne dites pas : la vie est un joyeux festin ;
    Ou c'est d'un esprit sot ou c'est d'une âme basse.
    Surtout ne dites point : elle est malheur sans fin ;
    C'est d'un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.

    Riez comme au printemps s'agitent les rameaux,
    Pleurez comme la...

  • Nuages qu'un beau jour à présent environne,
    Au-dessus de ces champs de jeune blé couverts,
    Vous qui m'apparaissez sur l'azur monotone,
    Semblables aux voiliers sur le calme des mers ;

    Vous qui devez bientôt, ayant la sombre face
    De l'orage prochain, passer sous...