Ode anacréontique

Puis-je ramentevoir l’accident, plein d’ennui,
Dont le bruit en nos cœurs mit tant d’inquiétudes ?
Aurai-je bonne grace à blâmer aujourd’hui
Carrosses en relais, chirurgiens un peu rudes ?

Falloit-il que votre œuvre imparfait fût laissé ?
Ne le deviez-vous pas rapporter de Toulouse ?
À quoi songeoit l’amour qui l’avoit commencé,
Et sont-ce là des traits de véritable épouse ?

Ne quittant qu’avec peine un mari, par trop cher,
Et le voyant partir pour un si long voyage,
Vous le voulûtes suivre, il ne put l’empêcher ;
De vos chastes amours vous lui deûtes ce gage.

Dites-nous s’il devoit être fille ou garçon,
Et si c’est d’un Amour, ou si c’est d’une Grace
Que vous avez perdu l’étoffe et la façon,
À quelque autre poupon laissant libre la place ?

Pour tous les fruits d’hymen qui sont sur le métier,
Carrosses en relais sont méchante voiture.
Votre poupon, au moins, devoit avoir quartier ;
Il étoit digne, hélas ! de plus douce aventure.

Vous l’auriez achevé sans qu’il y manquât rien,
De Graces et d’Amours étant bonne ouvrière.
Dieu ne l’a pas voulu peut-être pour un bien,
Aux dépens de nos cœurs il eût vu la lumière.

Olympe, assurément vous auriez mis au jour
Quelque subject charmant, et peut-être insensible.
Votre sexe ou le nôtre en seroit mort d’amour,
Mais nous ne gagnons rien ; c’est un sort infaillible.

Ce miracle ébauché laisse ici frère et sœurs
Chez vous mâle et femelle il en est une bande :
Un seul étant perdu ne nous rend point nos cœurs ;
De ceux qui sont restés la part sera plus grande.

Collection: 
1877

More from Poet

La Bique allant remplir sa traînante mamelle
Et paître l'herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son Biquet :
Gardez-vous sur votre vie
D'ouvrir que l'on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du Loup et de sa race !
...

Certain Païen chez lui gardait un Dieu de bois,
De ces Dieux qui sont sourds, bien qu'ayants des oreilles.
Le païen cependant s'en promettait merveilles.
Il lui coûtait autant que trois.
Ce n'étaient que voeux et qu'offrandes,
Sacrifices de boeufs couronnés de...

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au Soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s'approche ;
...

Me voici rembarqué sur la mer amoureuse,
Moi pour qui tant de fois elle fut malheureuse,
Qui ne suis pas encor du naufrage essuyé,
Quitte à peine d'un voeu nouvellement payé.
Que faire ? mon destin est tel qu'il faut que j'aime
On m'a pourvu d'un coeur peu content...

Désormais que ma Muse, aussi bien que mes jours,
Touche de son déclin l'inévitable cours,
Et que de ma raison le flambeau va s'éteindre,
Irai-je en consumer les restes à me plaindre,
Et, prodigue d'un temps par la Parque attendu,
Le perdre à regretter celui que j'ai...