Suzanne

Je dirai l'innocence en butte à l'imposture,
Et le pouvoir inique, et la vieillesse impure,
L'enfance auguste et sage, et Dieu, dans ses bienfaits,
Qui daigne la choisir pour venger les forfaits.
Ô fille du Très-Haut, organe du génie,
Voix sublime et touchante, immortelle harmonie,
Toi qui fais retentir les saints échos du ciel
D'hymnes que vont chanter, près du trône éternel,
Les jeunes séraphins aux ailes enflammées ;
Toi qui vins sur la terre aux vallons Idumées
Répéter la tendresse et les transports si doux
De la belle d'Égypte et du royal époux ;
Et qui, plus fière, aux bords où la Tamise gronde,
As, depuis, fait entendre et l'enfance du monde,
Et le chaos antique, et les anges pervers,
Et les vagues de feu roulant dans les enfers,
Et des premiers humains les chastes hyménées,
Et les douceurs d'Éden sitôt abandonnées,
Viens ; coule sur ma bouche et descends dans mon coeur.
Mets sur ma langue un peu de ce miel séducteur
Qu'en des vers tout trempés d'une amoureuse ivresse
Versait du sage roi la langue enchanteresse ;
Un peu de ces discours grands, profonds comme toi,
Paroles de délice ou paroles d'effroi
Aux lèvres de Milton incessamment écloses,
Grand aveugle dont l'âme a su voir tant de choses !...

(CHANT I)

Collection: 
1778

More from Poet

  • A compter nos brebis je remplace ma mère ;
    Dans nos riches enclos j'accompagne mon père ;
    J'y travaille avec lui. C'est moi de qui la main,
    Au retour de l'été, fait résonner l'airain
    Pour arrêter bientôt d'une ruche troublée
    Avec ses jeunes rois la jeunesse envolée...

  • France ! ô belle contrée, ô terre généreuse
    Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse,
    Tu ne sens point du Nord les glaçantes horreurs ;
    Le Midi de ses feux t'épargne les fureurs ;
    Tes arbres innocents n'ont point d'ombres mortelles ;
    Ni des poisons...

  • Abel, doux confident de mes jeunes mystères,
    Vois, mai nous a rendu nos courses solitaires.
    Viens à l'ombre écouter mes nouvelles amours ;
    Viens. Tout aime au printemps, et moi j'aime toujours.
    Tant que du sombre hiver dura le froid empire,
    Tu sais si l'aquilon s'...

  • .................... Terre, terre chérie
    Que la liberté sainte appelle sa patrie ;
    Père du grand sénat, ô sénat de Romans,
    Qui de la liberté jetas les fondements ;
    Romans, berceau des lois, vous, Grenoble et Valence,
    Vienne, toutes enfin, monts sacrés d'où la France...

  • Tu gémis sur l'Ida, mourante, échevelée,
    Ô reine ! ô de Minos épouse désolée !
    Heureuse si jamais, dans ses riches travaux,
    Cérès n'eût pour le joug élevé des troupeaux !
    Tu voles épier sous quelle yeuse obscure,
    Tranquille, il ruminait son antique pâture ;
    ...