Après ma mort, je te ferai la guerre,
Et quand mon corps sera remis en terre
J'en soufflerai la cendre sur tes yeux.
Et si mon âme est répétée aux Cieux
Crois sûrement, dame très rigoureuse,
Je t'enverrai flamme si chaleureuse,
De traits à feu flamboyant si très fort,
Que tant vaudrait sentir armes de mort.
Et si je n'ai les droits de bonne vie.
Bien accomplis, je courrai, à l'envie,
Sans distinguer le temps ni la saison,
Comme un garou autour de ta maison.
Toutes les nuits, en ton lit avallée,
De moi lutin seras en peur soûlée,
Et grèverai incessamment ton corps.
Je te ferai ainsi miséricords
Comme tous à l'amoureuse essence.
Et si je fais en l'air ma pénitence,
Léger irai te nuire et laidenger*.
Si suis en l'eau, je t'y ferai plonger.
Et si je suis caché entre les nues,
Glaces alors ne seront retenues,
Grêles, éclairs, ni tonnerres aussi,
Je t'en battrai sans grâce ni merci.
Finalement quelque chose que soie,
Je te ferai la guerre en toute voie.
Si rien deviens, de rien te combattrai
Et sur tout rien à te voir m'ébattrai.
Moyen prendrai d'issir de Phlégétonte
Et des palus infernaux d'Achéronte,
Pour te grever comme je l'ai songé.
Et si je n'ai des Parques ce congé,
Ma bonne amour que tu as offensée
Rompra l'Enfer comme toute insensée,
Et s'en ira tes plaisirs étranger,
Car quand vivant je ne me peux venger,
Ni rendre aussi les angoisses semblables
Que tu me fais par rigueurs exécrables,
Mort, te ferai tant de griefs recevoir
Que ce sera grand' pitié de te voir.
(*) lutiner