Las ! que me sert de voir ces belles plaines

Las ! que me sert de voir ces belles plaines,
Pleines de fruits, d'arbrisseaux et de fleurs ;
De voir ces prés bigarrés de couleurs,
Et l'argent vif des bruyantes fontaines ?

C'est autant d'eau pour reverdir mes peines,
D'huile à ma braise, à mes larmes d'humeurs,
Ne voyant point celle pour qui je meurs,
Cent fois le jour, de cent morts inhumaines.

Lasl que me sert d'être loin de ses yeux
Pour mon salut, si je porte en tous lieux
De ses regards les sagettes meurtrières ?

Autre penser dans mon coeur ne se tient :
Comme celui qui la fièvre soutient,
Songe toujours des eaux et des rivières.

Collection: 
1576

More from Poet

  • L'âpre fureur de mon mal véhément
    Si hors de moi m'étrange et me retire
    Que je ne sais si c'est moi qui soupire,
    Ni sous quel ciel m'a jeté mon tourment.

    Suis-je mort ? Non, j'ai trop de sentiment,
    Je suis trop vif et passible au martyre.
    Suis-je vivant ? Las...

  • Si la vierge Erigone, Andromède, et Cythère,
    Astres pleins d'amitié, bénins et gracieux,
    Font le ciel plus aimable, et l'embellissent mieux
    Que le noir Scorpion, l'Hydre et le Sagittaire,

    Pourquoi ne changez-vous ce courage adversaire ?
    Pourquoi ne sont plus doux...

  • Celui que l'Amour range à son commandement
    Change de jour en jour de façon différente.
    Hélas ! j'en ai bien fait mainte preuve apparente,
    Ayant été par lui changé diversement.

    Je me suis vu muer, pour le commencement,
    En cerf qui porte au flanc une flèche sanglante...

  • Que servirait nier chose si reconnue ?
    Je l'avoue, il est vrai, mon amour diminue,
    Non pour objet nouveau qui me donne la loi,
    Mais c'est que vos façons sont trop froides pour moi.
    Vous avez trop d'égard, de conseil de sagesse,
    Mon humeur n'est pas propre à si tiède...

  • Si la loi des amours saintement nous assemble,
    Avec un seul esprit nous faisant respirer,
    L'outrage du malheur se peut-il endurer,
    Qui si cruellement nous arrache d'ensemble ?

    Je ne vous vois jamais, mon coeur, que je ne tremble,
    Appréhendant l'effort qui nous doit...